Comprendre les échecs des traitements et les options possibles

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Interview de Simona SACCO

Migraine World Summit 2021

Entretien avec Simona SACCO, professeure de neurologie à l’Université de l’Aquila en Italie. Elle dirige l’unité du département de neurologie et des accidents vasculaires cérébraux et dirige personnellement le centre de référence local pour les maux de tête.

QUELQUES DÉFINITIONS :

● Migraine résistante : patients qui ont au moins 8 jours de maux de tête épuisants par mois, malgré l’essai d’au moins 3 classes de traitements préventifs (échec de plusieurs thérapies).

● Migraine réfractaire : patients qui ont au moins 8 jours de maux de tête épuisants par mois mais qui ont essayé TOUTES les classes de traitements préventifs et d’analgésiques (échec de toutes les thérapies existantes).

État de mal migraineux : migraine quotidienne de longue durée difficile à contrôler avec les traitements de crise.

Dans la population générale, les migraineux difficiles à traiter sont une minorité. Par contre, dans les centres médicaux spécialisés dans la migraine, environ 5 % des patients ont des migraines réfractaires.

LES TRAITEMENTS PRÉVENTIFS :

Les classes de médicaments utilisées comme traitements préventifs de la migraine qui se sont avérées efficaces sont :

● Les antidépresseurs
● Les traitements utilisés pour les troubles cardiaques ou l’hypertension (bêta bloquants, inhibiteurs calciques, etc.)
● Les anticorps monoclonaux agissant sur le CGRP
● La toxine botulique

Dans les classes de médicaments, les sous-classes utilisent des principes actifs différents.
Dans le cas de la migraine, plusieurs sous-classes peuvent être tentées dans une classe médicamenteuse. Toutes les sous-classes ne sont pas forcément pertinentes.
L’échec d’un traitement préventif peut être dû soit à un manque d’efficacité (persistance des migraines), soit à un manque de tolérance en raison des effets secondaires.
Dans le 1er cas, il est très important de s’assurer d’un dosage adéquat et d’essayer le médicament sur une période suffisante (2 à 3 mois suivant les traitements, voire 6 mois pour la toxine botulique).
Le 2e cas est souvent lié aux traitements préventifs oraux. Avant tout le patient doit être averti des effets secondaires qui peuvent parfois être tolérés. Sinon, dans certains cas, d’autres formes d’administration peuvent être proposées. Il peut aussi arriver qu’il y ait un diagnostic incorrect ou une comorbidité qui empêche l’utilisation d’une classe ou sous-classe de médicament.

LES TRAITEMENTS DE CRISE :

Les principales classes de médicaments de crise utilisées sont :
● AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens)
● Triptans
… au sein desquelles on trouve également des sous-classes.

Il y a échec médicamenteux d’un traitement de crise quand le médicament n’améliore pas substantiellement la crise. Dans le traitement de crise la dose du médicament et le moment de la prise sont importants. Il n’est pas bon de prendre une dose plus faible que celle qui est recommandée. Prendre une demi-dose puis compléter au besoin par une autre demi-dose plus tard n’est pas une bonne solution.
Les patients atteints de migraine réfractaire sont plus à risque de développer un état de mal migraineux. Ce sont la plupart du temps des patients ayant une longue histoire de migraine qui commence un jour à s’aggraver considérablement. Ce mécanisme, à ce jour pas entièrement compris, se développe lentement au fil du temps, et peut être associé à un mélange de facteurs, un événement stressant, un traumatisme, ou suite à des changements hormonaux ; et parfois même sans aucun facteur déclenchant.
Il y a beaucoup de recherches en cours sur ce processus. L’hypothèse est que le patient qui a de graves maux de tête depuis de nombreuses années commence à traiter les entrées sensorielles d’une manière différente du patient qui a peu ou de légers maux de tête, ce qui, et au fil du temps, peut modeler certaines zones du cerveau et certains circuits cérébraux. A un moment donné, ces zones cérébrales et ces circuits cérébraux deviennent différents de manière stable, et le processus est plus difficile à inverser.
La migraine la plus difficile à traiter est la migraine chronique qui dure depuis longtemps. Elle peut être associée à des comorbidités psychiatriques. Une autre comorbidité marqueur d’une migraine difficile à traiter est l’obésité. Et on peut avoir coexistence d’autres douleurs (arthrite, fibromyalgie, lombalgie… )

Une surconsommation de traitements de crise (supérieure aux doses recommandées) est également un facteur défavorable, surtout si le patient a essayé et a échoué sur des stratégies pour y mettre fin. Il existe également des traitements non pharmacologiques comme les blocs nerveux, la neurostimulation, la stimulation électrique transcrânienne, l’acupuncture, le biofeedback, des techniques de relaxation et des thérapies cognitivo-comportementales, mais pour lesquels on manque encore d’études de qualité sur l’efficacité.

(Un bloc nerveux périphérique est une technique permettant de contrôler les douleurs impliquant l’injection d’une substance anesthésique à action locale à proximité des nerfs pour bloquer ou empêcher que les sensations douloureuses n’atteignent le cerveau).
(Le biofeedback fait référence à plusieurs techniques basées sur la mesure des fonctions organiques, le but étant d’apprendre à les contrôler afin d’améliorer sa santé)
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Pour la migraine réfractaire (et chronique, et en état de mal migraineux), les centres de soins spécialisés pour la migraine, avec des médecins experts de la migraine, sont les plus à même de mettre en place des stratégies supplémentaires comme des combinaisons de traitements pharmacologiques, ou combinaisons de traitements pharmacologiques et non-pharmacologiques. Et ils peuvent trouver des suggestions de stratégies pour contrôler des comportements ou d’éventuels facteurs déclenchants. Il est fort conseillé d’aller y consulter.

Source : https://migraineworldsummit.com/talk/understanding-treatment-failure-and-options/

Traduction de Marie-Odile, bénévole à la Voix des migraineux

Mise à jour le 09 septembre 2022

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