Le remboursement des traitements anti-CGRP en France

remboursement anti-CGRP migraine

Pour comprendre le long parcours et les démarches pour obtenir le remboursement des anti-CGRP :

Pour rappel, les critères de prescriptions des anti-CGRP sont : patients souffrant de plus de 8 jours de migraine par mois, en échec d’au moins 2 traitements de fond et ne présentant pas d’antécédents cardio-vasculaires.

Pour connaître l’histoire des anti-CGRP, vous pouvez lire notre article sur le sujet.

SYNTHÈSE SUR LA PRISE EN CHARGE ET LE REMBOURSEMENT DES ANTI-CGRP :

A l’hôpital :

Sur prescription d’un neurologue, AJOVY, EMGALITY et AIMOVIG peuvent être pris en charge uniquement à l’hôpital. Cette situation est inacceptable dans la mesure où l’administration du produit ne nécessite pas un acte à l’hôpital. De plus, cela pèse sur leur budget.

Commercialisation en pharmacie :

Sur prescription d’un neurologue uniquement, AJOVY et EMGALITY sont commercialisés en pharmacie mais non remboursés par l’assurance-maladie. La pharmacie doit s’adresser au laboratoire pour commander le produit. Les prix se situent entre 245 € et 270 €. Certaines pharmacies font des efforts.  D’autres abusent. Il faut faire jouer la concurrence. AIMOVIG n’est pas commercialisé en pharmacie.

Remboursement :

Ils ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie.

Aide à la prise en charge financière :

Les mutuelles ont toutes des services sociaux pour les dépenses exceptionnelles, il peut s’agir d’aides financières, d’aides sociales exceptionnelles ou autre dénomination. Pour effectuer la demande, il faut remplir un dossier et fournir de nombreux justificatifs sur vos ressources, vos charges, des devis ou factures liés aux anti-CGRP. Nous ne pouvons bien entendu pas nommer de mutuelles en particulier, mais des patients sont parvenus à obtenir une aide : osez faire la démarche !
Il vous faudra être patient et tenace car les mutuelles demandent une preuve du refus de prise en charge par la CPAM (prise en charge classique, aide sociale exceptionnelle), vous aurez donc à réaliser cette dernière en amont.

LES ACTIONS MENÉES PAR L’ASSOCIATION POUR LE REMBOURSEMENT DES ANTI-CGRP :

Les avis de la Commission de la Transparence (plus d’explications dans la partie Les étapes pour le remboursement d’un médicament) pour les 4 anti-CGRP présentés, AIMOVIG, AJOVY, EMGALITY et VYEPTI, comportent tous un SMR (service médical rendu) important ce qui signifie que l’importance de leur utilité dans le traitement des migraines est reconnue. Ces avis confirment ainsi qu’il existe un besoin non couvert pour une certaine catégorie de malades. Ces deux points ont été en très grande partie obtenus grâce aux contributions de La Voix des Migraineux.

Cependant, les 4 produits ont obtenu un AMSR (amélioration du service rendu) de V (5) faute d’étude contre comparateur. Celle réalisée pour AIMOVIG n’a pas été reconnue comme convaincante. Et l’association ne peut pas réaliser ces études, le coût est énorme.

Nous avons multiplié les démarches et les entretiens avec tous les acteurs, et également réalisé plusieurs enquêtes pour étayer nos arguments. Ces enquêtes ont d’ailleurs beaucoup compté pour l’obtention du SMR important. Merci à toutes les personnes qui ont répondu.

Sollicités par des membres et adhérents de l’association, plusieurs députés et sénateurs ont questionné le gouvernement. Il y a 3 ou 4 ans, le gouvernement arguait du manque de preuves scientifiques pour refuser le remboursement. Cet argument ne tenant plus devant le nombre de pays en Europe et dans le monde remboursant les traitements, il s’appuie à présent sur la loi du comparateur qui fait qu’un traitement ne peut être remboursé plus cher qu’un traitement jugé équivalent.

Et les anti-CGRP sont des médicaments récents reposant sur une technologie innovante. Ce sont des médicaments basés sur des processus biologiques. Leurs procédés de fabrication sont complexes et coûteux. L’administration par injection ajoute le prix du stylo injecteur (surcoût), dont la fabrication doit de plus être très rigoureuse. Il est impossible de les vendre quelques euros. Les traitements existants ont été conçus il y a des décennies. À titre de comparaison, cela équivaudrait à vendre le mobile dernier cri au prix du premier NOKIA apparu dans les années 90.

En conclusion :

En dépit d’un besoin médical non couvert reconnu officiellement par la Commission de la Transparence, le gouvernement refuse le remboursement des anti-CGRP tant que des études avec comparateur n’auront pas eu lieu.

Et ce, en allant à l’encontre des droits des patients : selon l’art. 1110-5 du Code de santé publique CSP, « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. » (…) Toute personne a (…) le droit de recevoir (…) les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue ».

DANS LE DÉTAIL, PAR ANTI-CGRP :

AIMOVIG – érénumab

AIMOVIG a obtenu un avis favorable au remboursement en mars 2019. Malheureusement, avec une note d’ASMR à V (5) correspondant à « Pas de progrès thérapeutique », le gouvernement refuse le remboursement par la CPAM. Fin 2020, AIMOVIG peut être prescrit à l’hôpital mais sur leur budget déjà réduit. Enfin, il faut savoir qu’il n’est pas commercialisé en pharmacie.

En février 2022, AIMOVIG est repassé à la Commission de la transparence pour une réévaluation. Malheureusement, l’ASMR reste de V (5). Le dossier de La Voix des Migraineux a été salué. Celui du laboratoire n’a pas suffisamment convaincu. Nous sommes intervenus à tous les niveaux du système de santé.

Retrouvez les documents officiels autour de la demande de remboursement d’AIMOVIG – érénumab sur le site de la HAS : ici
-Notre contribution pour Aimovig le 30 juillet 2021 (30 pages)
-2ème synthèse de l’avis de la HAS sur Aimovig 30 mars 2022

EMGALITY – galcanézumab

À l’issue de l’évaluation d’EMGALITY en juin 2020, la note d’AMSR est de V (5). Le gouvernement refuse le remboursement par la CPAM. Fin 2020, EMGALITY a pu être prescrit sur la réserve hospitalière avec un budget de l’hôpital déjà limité.

En mars 2021, grâce à la demande conjointe du SFEMC et de La Voix des Migraineux, EMGALITY est commercialisé dans les pharmacies françaises sur prescription d’un neurologue.

Retrouvez les documents officiels autour de la demande de remboursement d’EMGALITY – galcanézumab sur le site de la HAS : ici
-Évaluation de la Commission de la transparence 24 juin 2020

-Notre contribution pour Emgality le 25 mars 2020 (26 pages) n’apparaissant pas sur le site de la HAS :

AJOVY – frémanézumab

À l’issue de l’évaluation d’AJOVY en septembre 2020 la note d’ASMR est de V (5). Le gouvernement refuse le remboursement par la CPAM. Début 2021, AJOVY a pu être prescrit sur la réserve hospitalière, toujours sur un budget de l’hôpital limité.

Le laboratoire TEVA a présenté un nouveau dossier en février 2022. La Voix des Migraineux a apporté sa contribution. La commission a eu lieu et malheureusement, AJOVY a une nouvelle fois obtenu un AMSR de V (5), le remboursement est refusé.

Retrouvez les documents officiels autour de la demande de remboursement d’AJOVY – frémanézumab sur le site de la HAS : ici
-2ème évaluation de la Commission de la transparence 14 septembre 2022
-Notre contribution pour Ajovy le 6 avril 2022 (36 pages)

VYEPTI – eptinézumab

VYEPTI a obtenu l’AMM au niveau européen en janvier 2022. Le traitement VYEPTI s’administre en intraveineuse tous les 3 mois à l’hôpital. L’accès en est limité par les places disponibles en hôpital de jour. Cependant, cela se met en œuvre progressivement.

L’ASMR est aussi de V (5) pour ce traitement, qui n’est donc lui non plus pas remboursé.

Retrouvez les documents officiels autour de la demande de remboursement de VYEPTI – eptinézumab sur le site de la HAS : ici
-Évaluation de la Commission de la transparence 5 octobre 2022
-Notre contribution pour Vyepti le 30 juin 2022 (48 pages)

AQUIPTA – atogépant

AQUIPTA est un gépant destiné à être pris en traitement de fond. Il a obtenu l’AMM en août 2023. Les résultats de l’évaluation en vue de remboursement ont été publiés le 8 janvier 2024. Malheureusement, bien que le SMR soit considéré comme important par la commission, l’ASMR est de V (5) et reste insuffisant faute d’essais cliniques contre comparateurs. Il n’est donc pas remboursé.

Retrouvez les documents officiels autour de la demande de remboursement de AQUIPTA – atogépant sur le site de la HAS : ici
-Évaluation de la Commission de la transparence 22 novembre 2023
-Notre contribution pour Aquipta d’octobre 2023 (36 pages)

COMPRENDRE LES ÉTAPES INSTITUTIONNELLES POUR LE REMBOURSEMENT D’UN MÉDICAMENT :

Avant qu’un médicament soit disponible et remboursé en pharmacie, il doit passer par de nombreuses étapes. Pour vous aider à mieux comprendre ce processus, voici des explications simplifiées mais nous l’espérons, claires.

1/ Les essais cliniques.

2/ Le laboratoire dépose une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).

Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) est chargée de la mise sur le marché des médicaments. En Europe, c’est l’European Medicines Agency (EMA) qui est responsable de l’évaluation scientifique des demandes centralisées d’AMM. Elle est appelée Agence européenne des médicaments (AEM) en français.

Une fois accordée par la Commission européenne, l’AMM centralisée est valable dans tous les États membres de l’Union européenne (UE). Elle comporte :

3/ La commercialisation du médicament.

Une fois obtenue l’AMM, le laboratoire peut commercialiser le médicament sans remboursement dans tous les pays de l’UE. Cette commercialisation ne peut se faire que dans le respect des recommandations de l’EMA. 

4/ Le laboratoire peut demander le remboursement du produit.

4.1 Dépôt de dossier et contribution

Le laboratoire constitue un dossier qu’il dépose à la Commission de la Transparence (CT) de la Haute Autorité de Santé (HAS).

La Commission de la Transparence est une instance scientifique composée de médecins, pharmaciens, et spécialistes en méthodologie et épidémiologie. Elle évalue les médicaments ayant obtenu leur AMM, lorsque le laboratoire qui les commercialise souhaite obtenir leur inscription sur la liste des médicaments remboursables.

Dans le cadre de l’évaluation en vue de remboursement, les associations peuvent déposer une contribution (voir les contributions de la Voix des Migraineux médicament par médicament dans la partie précédente).

Les patients disposent d’un savoir spécifique sur leur maladie. L’expérience sur le vécu de la maladie, les traitements existants, les parcours de soins, les besoins, enrichit l’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux. La HAS évalue l’utilité, le progrès apporté et l’efficience des technologies de santé en vue de définir l’intérêt de les rembourser ou d’en maintenir le remboursement par l’Assurance maladie.

4.2 Avis de la CT et attribution des notes (SMR et ASMR)

La Commission de la Transparence s’appuie sur le dossier du laboratoire, la contribution de l’association et sur les données sur le sujet pour évaluer le médicament, et lui attribuer 2 notes :

Partout dans le monde, les essais cliniques se font contre placebo. Il est donc compliqué pour un nouveau traitement de prouver qu’il fait mieux qu’un autre. Il n’y a que très rarement des essais cliniques contre comparateur.

La Commission de la Transparence de la HAS ne rend qu’un avis, que le gouvernement est libre de suivre ou pas.

4.3 CEPS et la fixation des prix

Une fois l’avis officiel publié, le dossier est transmis à la Commission d’Évaluation des Produits de Santé (CEPS).

Le CEPS (Comité économique des produits de santé) contribue à l’élaboration de la politique du médicament, il met en œuvre les orientations qu’il reçoit des ministres compétents. En particulier, le comité applique ces orientations à la fixation des prix des médicaments, au suivi des dépenses et à la régulation financière du marché. Pour mener cette action le comité peut conclure avec les entreprises ou groupes d’entreprises des conventions portant sur le prix des médicaments.

C’est le CEPS qui mène les négociations de prix avec les laboratoires en prenant en compte les orientations ministérielles et les lois, dont celle du comparateur, évaluée par l’AMSR.

Médicament avec une note d’ASMR V (5) : il ne peut être inscrit au remboursement que s’il apporte une économie dans les coûts de traitement. En clair, le médicament ne pourra être remboursé que s’il coûte moins cher que le comparateur. Et ce, quels que soient les coûts de fabrication du médicament. 

À ce stade, le gouvernement peut décider d’annuler les négociations. Le laboratoire ne pourra pas présenter ses arguments. 

Si les négociations aboutissent, et qu’un accord de prix est obtenu entre le laboratoire et le gouvernement, le dossier est transmis à la Direction de la sécurité sociale. Celle-ci se charge de mettre en œuvre le remboursement. Ensuite, viennent la Caisse nationale d’assurance maladie et la Branche risques professionnels.

Voici un schéma illustrant le circuit d’évaluation des médicaments en vue de leur remboursement, ainsi que la définition des notions de SMR et ASMR.

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CONCLUSION DE L’ASSOCIATION :

La Voix des Migraineux n’a cessé de rédiger des contributions de qualité (entre 30 et 50 pages d’analyse) afin de convaincre la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé et le gouvernement du bien-fondé d’un remboursement.
C’est un travail de longue haleine, mobilisant plusieurs bénévoles et Sabine Debremaeker, la présidente de l’association qui représente les patients auprès de ces instances.
Mais les critères d’ASMR sont pour le moment un frein pour ces traitements qui n’ont pas de comparateurs.
Nous ne lâchons rien, nous gardons espoir.

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Quelques exemples de courriers des autorités (HAS, Ministère…) reçus depuis déjà 5 ans par l’association.

Sources :
HAS, Commission de la transparence
https://www.has-sante.fr/jcms/c_412210/fr/commission-de-la-transparence

Rédigé par Sabine DEBREMAEKER

Mise à ligne en mars 2023