Existe-t-il une personnalité migraineuse ?
La question est délicate. Elle me taraude depuis longtemps car elle me renvoie illico à ce que tout migraineux a déjà pu entendre : « c’est psychologique, c’est psychosomatique, c’est dans ta tête, tu dois mieux gérer ton stress, tes émotions, lâche prise, quand vas-tu décider de vivre… ».
Un texte de Marion, bénévole à la Voix des Migraineux.

Mon mari, qui vit depuis 15 ans avec moi et les migraines sévères, l’hyperactivité, la curiosité insatiable et la propension à multiplier les projets, m’a dit un jour qu’il pensait que c’était la seule manière qu’avaient mon corps et mon esprit de me dire : « ARRETE-TOI ! ».
Nous savons aujourd’hui que notre cerveau de migraineux tel qu’il est fait, réagit de manière excessive ou inadaptée à des stimuli et à des variations ordinaires, normalement supportables par toute personne non migraineuse (lumière, bruit, chaleur, sommeil, rythme, stress, hormones…). Notre cerveau, à la fois en surrégime et en défaut d’énergie pour y répondre, aurait-il trouvé dans la migraine le moyen de ralentir et de rétablir l’équilibre dans notre organisme en déséquilibre ?
Mon mari a peut-être raison. Et je trouve ça injuste. Être régulièrement shootée en plein vol par une cervelle qui m’a donné du potentiel et qui ne me laisse pas le réaliser. Pourquoi ?
C’est un peu ce qui m’a fait m’interroger sur un éventuel profil de migraineux.
En 1937, le Dr Wolff, éminent neurologue américain, a largement contribué à l’avancée de la recherche dans la physiopathologie de la migraine, notamment au niveau des phénomènes de constriction/dilatation des vaisseaux cérébraux. Merci à lui.
Mais suite à ses recherches et à ses expériences, il a aussi défini un profil migraineux, en ces termes :
« Les migraineux sont rigides, contraints, perfectionnistes, ambitieux, concurrentiels, ils éprouvent un ressentiment permanent et sont incapables de déléguer les responsabilités. Ils ont des relations perturbées avec leurs parents, restent distraits et tentent de dominer leur entourage familial. L’obéissance et la subordination apparentes cachent une inflexibilité, un calme apparent, des tensions cachées. »
Wow. Peu flatteur non ? Evidemment, il faut remettre ces conclusions dans un contexte scientifique, historique et sociétal, qui a un peu évolué depuis (ouf).
Dans les années 1990, une psychologue belge, Anita Violon, dit tout de même avoir retrouvé certaines caractéristiques communes aux migraineux ; je cite : « les migraineux ont une façon de réagir qui est de prendre sur eux, sans exprimer leur ressenti ou leur révolte et sans bien se défendre ni s’appuyer sur autrui. Dans ma pratique, je constate qu’ils s’estiment généralement eux-mêmes, à juste titre, comme des personnes sensibles ou hypersensibles qui absorbent comme des éponges les messages et tensions de leur entourage. Elles se décrivent comme consciencieuses voire perfectionnistes, exigeantes pour elles-mêmes et sachant difficilement résister à la pression et dire non, qui ont une tendance à s’effacer au profit d’autrui. »
C’est plus sobre, mais est-ce que je me reconnais dans ce portrait ? Pas dans tout.
Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?
Et pourquoi certaines personnes que je connais et pour qui ce descriptif pourrait coller n’ont-elles pas de migraines ?
Est-on vraiment différent au niveau psychologique de personnes souffrant d’autres maladies chroniques et/ou invalidantes, sans traitement vraiment adapté, vivant avec une douleur intense et récurrente, nécessitant de faire des deuils concernant son identité, ses projets, de devoir réorganiser sa vie, y trouver malgré tout du sens, de combattre notre appréhension, les préjugés, ceux des autres et les nôtres aussi d’ailleurs…
Nos propres préjugés, colorés de gris ou de noir, vous savez ? Ceux chuchotés en boucle par notre petite voix qui nous dit que nous sommes impuissants, vulnérables, fragiles, coupables, peu fiables, incompris, seuls… « Chochottes, relous, rabat-joie, maillon faible » pour reprendre vos expressions lues dans des commentaires.
Oui, il peut y avoir des facteurs psychologiques liés à la migraine, anxiété, dépression, ruminations. Mais font-ils partie de notre ADN ou sont-ils la conséquence de cette douleur qui nous coupe de nos cinq sens, de nos pensées, de notre élan vital, de notre puissance d’action ?
Quoi entraine quoi ?
Qui s’étonne encore de la transformation de cette douleur en souffrance ?
Ce qui est sûr, c’est que cette souffrance ressentie, si elle n’est pas accompagnée, si elle n’est pas écoutée, ni traitée, exacerbe et entretient la migraine. Qui à son tour, exacerbe et entretient la souffrance. Le serpent se mord la queue, et nous, on est au milieu.
Pour tordre un peu le cou à cette théorie rétrograde de Wolff et à aux croyances (dont les nôtres) qui rendent cette maladie honteuse pour ceux qui en souffrent, je voudrais vous dire que depuis que je fréquente la page de la voix des migraineux, j’ai vu dans les témoignages et les commentaires un concentré de belles aspirations et qualités humaines.
Le profil du migraineux, s’il y en a un, est beaucoup plus que ce que la littérature a pu en dire, et je l’écris en vrac et en gros : EMPATHIE, SENSIBILITE, GENTILLESSE, COMPASSION, OUVERTURE D’ESPRIT, VOLONTE, TOLERANCE, COURAGE, RESILIENCE, REBELLION, (oui, je le mets en qualité), DETERMINATION, EXPRESSION DES RESSENTIS, JUSTESSE DES MOTS, INTELLIGENCE DE L’ESPRIT ET DU CŒUR, PARTAGE, JOIE DE VIVRE, ESPOIR, HUMOUR et bien d’autres encore !
N’oublions pas qui nous sommes, ce sont nos valeurs, c’est ce qui donne du sens et c’est ce que la douleur nous fait parfois oublier.
Si le cerveau est assez fort pour nous faire mal, en balance, tout n’étant que recherche d’équilibre, il est aussi assez fort pour nous faire du bien. C’est là que rentrent en jeu les accompagnements non médicamenteux, les différentes techniques et méthodes qui peuvent aider notre esprit à surmonter la souffrance. Mais ce sera l’objet d’un autre post.
Merci de m’avoir lue jusque-là. Je suis heureuse de faire partie de cette communauté d’entraide et de partage. Merci à vous.
Prenez soin de vous.
Mis en ligne le 25 septembre 2025