Hérédité et Karma

pexels pixabay 289586

Un témoignage d’une bénévole à la Voix des Migraineux

« 60 à 70 % des personnes touchées par les crises de migraines ont un parent qui en souffre ou en souffrait aussi ». www.migraine.fr


En fait, la maladie migraineuse revêt un caractère davantage épigénétique qu’héréditaire. Il n’y a pas qu’un seul gène en cause. Les dernières études indiquent qu’une famille porte la même mutation du même gène. Le mécanisme est très complexe ; il y a plusieurs variants génétiques, plus de 100 gènes impliqués à ce jour. Les crises migraineuses sont liées à une hyperexcitabilité électrique des neurones sensoriels. Il y a comme une « vulnérabilité génétique familiale ».

J’ai hérité de la migraine modérée de mon père et l’ai transmise à mon fils cadet… Quelle lignée ! Mes crises à moi sont très invalidantes. Migraineuse chronique depuis 20 ans, je suis dès lors reconnue par la MDPH. Je vais avoir 50 ans. J’ai tout essayé pour me débarrasser de mon fardeau. J’ai même subi une opération soi-disant révolutionnaire, de désinnervation des nerfs trijumeaux en 2018, à mes frais… sans succès. Cette chirurgie n’est pas remboursée par la sécurité sociale. Pire, depuis, les crises avec aura désormais se multiplient… Je perds la vue, généralement d’un côté, durant des heures. C’est très anxiogène. Mes maux sont désormais de nature de névralgie faciale.

Alors, comment vivre avec le sentiment d’injustice lié à cette hérédité subie, cet héritage « empoisonné » que je perpétue à mon tour ? Qu’en est-il du sentiment de culpabilité du parent qui « transmet » le caractère migraineux à son enfant ? Comment le parent vit-il ses remords ? Comment peut-il se pardonner ?

Et l’enfant, le descendant, comme vit-il ce fardeau ? Comme une malédiction ?

Osons l’optimisme ! Et si cet héritage familial commun, susceptible de diviser, pouvait rapprocher ? Les douleurs partagées, connues des uns et des autres, seraient-elles moins isolantes lorsque l’on peut échanger ses ressentis et se sentir ENFIN accepté et compris ?

Y a-t-il quelques conséquences positives ?


Le handicap, quel qu’il soit, selon moi, permet de gagner en empathie, en tolérance vis-à-vis d’autrui. Je le mesure chaque jour dans le cadre de mon activité professionnelle. Ce n’est pas un hasard si de nombreux migraineux embrassent des métiers tournés vers les autres.
Souvent professionnellement insérés dans des fonctions de relations d’aide, les migraineux sont empathes pour la plupart. Ils travaillent sur l’humain, avec l’humain, pour l’humain. Ce travail avec les autres, c’est presque un sacerdoce, un exutoire.
Je suis certaine, au fil des années, d’avoir gagné en ouverture d’esprit et en tolérance. Cela me permet d’être souvent en résonance avec les souffrances des autres, qu’elles soient physiques, psychologiques ou émotionnelles.
Le symptôme dit, la parole soulage. Beaucoup. Les mots sur les maux soignent, depuis toujours. Alors, il convient peut être de poser régulièrement une bonne fois pour toutes, sur le bureau d’un psy ce lourd héritage.


Chacun de nous le sait, le sent, le voit : tout handicap rejaillit sur la famille et le foyer, sur chacun de ses membres. Alors les thérapies familiales pourraient-elles aussi être utiles ?
Le handicap, au-delà de nous faire gagner en empathie, me semble aussi nous guider vers un champ plus spirituel. Cette douloureuse problématique « médico-parentale » donne parfois envie aux migraineux chroniques d’entreprendre une démarche de constellation familiale, de creuser leur arbre généalogique, leur psycho généalogie, bref, de tendre vers le monde de l’invisible et des mystères… pourquoi pas ?


Soigner le transgénérationnel plutôt que d’accuser ses parents, ses ancêtres. Tentant ! Mais pas sans danger semble-t-il sur l’équilibre psychologique et le moral des migraineux parfois prêts à faire confiance à des charlatans pour comprendre (pourquoi moi ?), accepter, voire arrêter le cercle infernal d’un karma-souffrance qui se répète.
Et enfin, pour certains d’entre nous, en pleine introspection, la religion peut faire figure de refuge. La foi est porteuse d’Espérance. En effet, depuis la nuit des temps, les croyants de toute religion s’accordent à dire que souffrir permet de rencontrer Dieu.

Avec mes sempiternelles migraines, pour ma part, j’intègre une fabuleuse leçon de vie, une sagesse, que je peux alors transmettre avec joie aux miens : je m’accepte imparfaite dans un monde qui prône la performance et la perfection. Et je ne suis coupable de rien.

Pour conclure, notre corps demande à être respecté, observé, écouté chaque jour. Il est sacré. Gardons l’espoir qu’il puisse se régénérer, voire s’auto guérir.

Mis en ligne le 21 Novembre 2022

Consultez d’autres articles sur la migraine rédigés ou traduits par nos soins