Impact de la maladie sur la qualité de vie du patient
Avant d’être remboursé par l’Assurance maladie, un médicament fait l’objet d’une évaluation par la Haute Autorité de Santé (HAS). Dans ce cadre, la Voix des Migraineux a rédigé plusieurs contributions afin de faire entendre le point de vue des patients, de partager leur expérience de la maladie et d’éclairer l’évaluation au-delà des seules données scientifiques. Retrouvez ici un extrait de la contribution que la Voix des migraineux a rédigé pour l’évaluation du remboursement de l’anti-CGRP Emgality® le 29 septembre 2025. La version complète est disponible sur demande.

Table des matières
Éléments de connaissances sur la pathologie
En 2019, le Global Burden Disease classait la migraine au second rang mondial des maladies invalidantes (Steiner et al., 2020). Cette étude porte sur 369 maladies dans 204 pays. Lors de sa 75e Assemblée Générale tenue en avril 2022, l’OMS a reconnu l’insuffisance de la prise en charge des troubles neurologiques, alors qu’ils entraînent le plus de perte d’années de vie en bonne santé. La migraine venait au second rang avec 16,3 %, derrière l’AVC (42 %), et devant la démence (10 %), la méningite (7,9 %) et l’épilepsie (4,9 %). (Intersectoral Global Action Plan on Epilepsy and Other Neurological Disorders, s. d.)
La migraine, qui touche 1,16 milliard de personnes, se classe au premier rang chez les enfants et les adolescents et au deuxième rang chez les adultes de moins de 60 ans. L’International Headache Society appelle à reconnaître la migraine comme une maladie grave, à promouvoir la recherche et à intégrer la migraine dans les stratégies de santé.
Les types de migraine
On distingue plusieurs types de migraine qui sont décrites par la classification internationale des céphalées. (The International Classification of Headache Disorders, s. d.)
Nous ne décrirons pas en détail tous les sous-types. Généralement, on distingue : la migraine sans aura ; la migraine avec aura qui est accompagnée de troubles neurologiques et concerne 25 à 30 % des patients ; ainsi que la migraine chronique qui se définit par une fréquence des jours de crise supérieure à 15 jours par mois. Les patients souffrant de migraine chronique peuvent souffrir de migraine sans aura ou avec aura. La classification internationale cite également les migraines probables, dont le diagnostic s’appuie sur des symptômes épisodiques et des complications de la migraine. (Pescador Ruschel & De Jesus, 2025)
Expressions de la maladie
Pour mieux comprendre l’impact de la migraine sur la qualité de vie des patients, il est important de comprendre la façon dont cette pathologie s’exprime. Elle est très complexe et comporte plusieurs aspects qui ne sont pas toujours considérés dans les essais cliniques ou l’évaluation des traitements. Pourtant, ils constituent des éléments importants pour les patients.
La durée des crises
Par définition, la migraine est une maladie neurologique chronique qui se manifeste par crises, avec un retour à la normale entre les crises. Les critères officiels ne déclarent une durée que pour la phase céphalalgique, soit de 4 à 72 heures.
Or, on distingue quatre ou cinq phases dans une seule crise de migraine, qui présentent chacune des symptômes très spécifiques. Le tableau ci-dessous démontre que prendre en compte uniquement la céphalée est très réducteur. En réalité, si l’on additionne toutes les phases, le patient peut subir une incapacité ou un manque de productivité qui peut aller de quelques heures à plus de sept jours.

La durée et l’intensité des symptômes varient d’une personne à l’autre, d’une crise à l’autre. La liste des symptômes n’est pas exhaustive. (Dodick, 2018)
Ainsi, l’impact sur la productivité et la capacité varie en fonction de ces paramètres. Pour un même patient, la plupart des crises se déroulent sur un schéma similaire de l’une à l’autre. La migraine étant une maladie polygénique, ces différences s’expliquent probablement par les variations des phénotypes d’un individu à l’autre. (Karsan et al., 2021)
La durée de chaque phase est généralement corrélée à la durée de la céphalée. Cependant, ce n’est pas obligatoire et la phase céphalalgique peut être absente. (Acephalgic Migraine – an overview | ScienceDirect Topics, s. d.)
La fréquence des crises
Elle est l’un des critères de prise en charge du produit évalué et des produits de la même famille, les anticorps monoclonaux ciblant le CGRP (peptide relié au gène de la calcitonine). L’indication est demandée pour les patients souffrant de plus de huit jours de crise par mois.

Les mécanismes de l’évolution de la migraine épisodique vers la migraine chronique ne sont pas clairement élucidés. On peut néanmoins identifier des facteurs favorisants.
- Le retard de diagnostic et la prise en charge tardive et inadaptée sont trop peu souvent cités, alors qu’ils ont une incidence majeure sur la santé des patients et sur leur chance de soulagement.
- La surconsommation médicamenteuse est souvent évoquée. Elle renvoie la responsabilité aux patients. Or, ils n’ont pas le choix, faute de traitement préventif adapté et efficace. (Lanteri-Minet et al., 2024)
- Des facteurs génétiques. À ce jour, plus de 180 variants ont été identifiés. (Grangeon et al., 2023)
- Des facteurs génétiques qui influent sur l’assimilation des traitements. (Tsirelis et al., 2024)
- Des facteurs environnementaux. (Yeh et al., 2024)
- Des migraines réfractaires à tous les traitements classiques. La définition a évolué au fil du temps. À ce jour, les causes identifiées en sont la contre-indication, la présence d’effets indésirables invalidants, ou l’inefficacité. (Ziegeler et al., 2019)
- L’augmentation de la fréquence des crises qui ne permet pas le retour à la phase intercritique. Le seuil de déclenchement est presque constamment bas.
Les symptômes et leur intensité
La céphalée est le plus souvent considérée comme le critère premier. Parmi les critères diagnostiques, ce sont ses caractéristiques qui l’emportent. S’il est vrai que celle-ci est le plus souvent le point crucial, la migraine s’accompagne de multiples symptômes. (Villar-Martinez & Goadsby, 2022)
De plus en plus de publications démontrent que l’hypersensibilité sensorielle n’est pas un symptôme annexe mais fait partie intégrante des mécanismes de la migraine (Ziegeler et al., 2019). C’était l’un des sujets du Sommet Francophone de la Migraine 2024. (Younis et al., 2019)
Les patients se plaignent de manière récurrente de difficultés cognitives lors des crises mais aussi entre les crises. Ce sujet a été abordé lors du Sommet Francophone de la Migraine 2025. Il a été présenté par le docteur Olivia BEGASSE DE DHAEM qui a publié plusieurs articles sur le sujet. (Fernandes et al., 2024a)
La migraine a aussi un impact sur la santé mentale et les émotions. Ainsi, la dépression et la migraine pourraient partager des mécanismes biologiques communs selon certaines études. (Viudez-Martínez et al., 2024) Des changements d’humeur peuvent signaler le début d’une migraine. (Signs of a Migraine That Aren’t Headache, s. d.). De nombreuses publications en font état. (9 Surprising Symptoms of a Migraine Attack, s. d.) Une étude a analysé l’agenda des migraines de près 500 patients. Les résultats montrent qu’au cours de la journée de crise de migraine, on constate des scores plus aigus de dépression que sur les journées sans migraine. Les auteurs préconisent des recherches plus approfondies. (de Vries Lentsch et al., 2022)
Impact de la maladie sur la qualité de vie du patient
Impact fonctionnel
Les résultats de notre enquête Parcours de soin du patient migraineux sont parlants. Elle a été réalisée de mars à mai 2022, en partenariat avec le bureau d’études CEMKA, spécialisé dans les domaines de l’évaluation en santé publique, de l’économie de la santé et de l’épidémiologie. Comme indiqué en introduction, notre enquête a fait l’objet d’une publication dans The Journal of Headache and Pain.
Nous avons réuni 683 réponses dont cinq questionnaires incomplets. Toutes les régions de France étaient représentées. Nous avons utilisé des échelles reconnues, couramment utilisées dans les études.

Ces résultats ont été présentés lors la seconde Journée de l’engagement patient organisée par Admedicum et Partners For Patients par Mme Sabine DEBREMAEKER, présidente de l’association, ainsi qu’en anglais lors du 5th Annual Education in Headache to Healthcare Professionals in Africa devant 1 500 professionnels de santé de 61 pays, par Mme Morgane RIVERA-VARGAS, administratrice et membre bénévole de l’association.
Le score MIDAS
L’évaluation peut être réalisée soit par le patient avant la consultation (auto-questionnaire), soit par le praticien (hétéro-questionnaire). Pour le remplissage du questionnaire :
- Grade I (0 à 5 jours) : handicap minime,
- Grade II (6 à 10 jours) : handicap modéré,
- Grade III (11 à 20 jours) : handicap marqué,
- Grade IV (≥ 21 jours) : handicap sévère.
70,7 % des patients ont un grade IV (≥ 21 jours de perte de productivité), grades allant de I à IV.

Le score de HIT-6

- 0 à 49 : faible impact.
- 50 à 54 : impact certain.
- 55 à 59 : impact important.
- 60 à 79 : impact majeur.
Impact sur la vie quotidienne des patients
Notre nouvelle enquête, Grande enquête sur la qualité de vie des personnes migraineuses, nous a permis de recueillir des données récentes. Le recueil des données a eu lieu du 3 au 17 juillet 2025. Nous avons recueilli 1 095 questionnaires complets. Toutes les régions de France sont représentées. Assez classiquement dans ce type d’enquête, nous constatons une majorité de femmes parmi les répondants, 95 % contre 5 % d’hommes. 81 % ont entre 30 et 59 ans. 54 % ont des enfants à charge, 77 % exercent un emploi et 76 % sont en couple. Ce qui constitue un échantillon à la fois suffisamment important et diversifié pour être représentatif du vécu des patients migraineux.
64 % des répondants déclarent plus de 8 jours de crise par mois. Nous sommes conscients que cela représente un biais. Néanmoins, l’un des critères de prescription de Galcanézumab est une fréquence de huit jours et plus, les chiffres n’en seront que plus représentatifs de cette population.

Le temps de récupération d’une crise n’est pas suffisamment pris en compte dans l’évaluation de l’impact de la migraine. Il dépend de plusieurs facteurs : la fréquence et la durée des crises mais aussi leur intensité et le contexte dans lequel elles ont eu lieu. En effet, si la personne a pu trouver refuge dans un lieu adapté (pénombre, calme, silence), généralement la crise est moins impactante et nécessite moins de prise de traitements de crise. Toutefois, c’est rarement possible en milieu professionnel.

Les tâches ménagères
Ne pas pouvoir entretenir son lieu de vie engendre de nombreuses conséquences sur la santé physique, sur l’estime de soi et sur la socialisation pour le malade, mais aussi pour sa famille et en particulier les enfants. Elles amplifient les souffrances liées à la maladie et la perte de dignité. Cela renforce l’isolement du malade.
Ne pas pouvoir faire les courses et préparer les repas affecte directement la qualité de l’alimentation et la santé. De plus, il est probable que cela ait une influence directe sur l’aggravation de la maladie.
Or, durant les six derniers mois, 46 % des répondants rapportent qu’ils n’ont « souvent » ou « toujours » pas pu faire les courses alimentaires. 57 % n’ont « souvent » ou « toujours » pas pu faire le ménage, et 50 % n’ont « souvent » ou « toujours » pas pu préparer des repas équilibrés. Ainsi, en moyenne, un répondant sur deux ne vit pas dans des conditions propices à la santé physique et mentale.

Impact sur la vie professionnelle
Afin d’illustrer l’impact sur la vie professionnelle, nous reprenons les résultats de l’échelle de qualité de vie MIDAS de notre enquête Parcours de soin du patient migraineux.
Mme Camille NEVORET, directrice adjointe biostatistique au sein du bureau d’études CEMKA, nous a fourni les données pour les personnes dont la fréquence des crises est supérieure à huit jours par mois par rapport à la population globale, et la population des personnes dont la fréquence est inférieure à huit jours par mois.
Dans un premier temps, nous avons recherché le nombre de personnes ayant manqué au moins un jour de travail par rapport aux échelons du MIDAS. Ces derniers s’étalent de 1 à 4 et s’évaluent en nombre de jours impactés par une incapacité ou un manque de productivité dans les domaines de l’emploi, des études, des tâches ménagères et des loisirs, sur les trois derniers mois.

683 personnes ont répondu à l’enquête. Parmi les personnes exerçant un emploi (648), 360 ont manqué au moins un jour. Nous constatons que les personnes qui déclarent 11 jours et plus d’incapacité (N=345) ou de manque de productivité représentent plus de 95 % de l’effectif des personnes qui déclarent au moins un jour d’absence.
Ensuite, nous avons comparé la fréquence des crises par rapport au nombre de jours d’absence.

Enfin, nous avons calculé le nombre de jours d’absence par rapport à la fréquence des crises selon deux critères : < 8 jours de crise par mois et ≥ 8 jours de crises par mois. Nous constatons que parmi les personnes déclarant au moins un jour d’absence (N=360), 76,1 % souffrent de 8 jours et plus de crise par mois.

Les répondants déclarant une fréquence de jours de migraine supérieure à 8 jours de crise de migraine par mois (N=274) manquent en moyenne 17,6 jours contre 8,7 jours pour les personnes dont la fréquence est inférieure à 8 jours (N=86).
Notre dernière Grande enquête sur la qualité de vie des personnes migraineuses nous apporte des informations concrètes sur le vécu des patients salariés (N=842). 26 % des patients estiment qu’ils n’ont pas assuré correctement leurs tâches professionnelles au cours des six derniers mois. 86 % des patients n’ont « jamais » ou « parfois seulement » bénéficié d’aménagements.

Galcanézumab, le produit évalué, est destiné aux personnes souffrant de 8 jours et plus de migraine par mois. Sur les trois derniers mois :
- 95,8 % des personnes en emploi rapportent plus de 21 jours d’incapacité ou de manque de productivité.
- Elles représentent ¾ des personnes ayant déclaré au moins un jour d’absence au travail. 76,1 % contre 23,9 %
- En moyenne, ils déclarent deux fois plus de jours d’absence au travail (17,6 contre 8,7).
Les déplacements
Les déplacements sont impactés car conduire, que ce soit en crise ou en ayant pris des médicaments, voire les deux, est dangereux. Malheureusement, les migraineux n’ont parfois pas le choix. En crise, les transports en commun sont difficilement envisageables sauf s’il n’y a pas d’alternative. Ceux-ci concentrent un nombre important de déclencheurs, qui sont intolérables en cas de crise et risquent notamment de provoquer des vomissements.
Impact sur le moral
Le retentissement de la migraine sur tous les aspects de la vie et sur l’entourage s’ajoute à la souffrance et aux symptômes. Les données recueillies lors de notre Grande enquête sur la qualité de vie des personnes migraineuses sont alarmantes. 1 095 personnes ont répondu à l’enquête.
Les migraineux ressentent une grande culpabilité du fait de ne jamais (22 %) ou rarement (41 %) pouvoir assumer l’entretien courant du logement. Concernant le conjoint, 44 % des répondants se sentent coupables de leur imposer l’imprévisibilité des crises. En outre, 30 % des participants se sentent toujours coupables de ne pas être disponibles pour leurs enfants.

Les idées noires ou suicidaires reviennent assez souvent, trop souvent dans nos échanges avec les malades. En 2024, le témoignage d’un conjoint nous a permis de réaliser une campagne de presse sur le sujet. Durant les périodes sans migraines, 16 % des malades déclarent avoir ressenti très souvent ou toujours des idées noires, et 27 % de temps en temps… Au plus fort de la céphalée, ils sont 52 %.
Depuis 2000, Santé publique France organise régulièrement des enquêtes destinées à évaluer la prévalence des idées suicidaires et des tentatives de suicide dans la population. En 2021, les données de 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine, et 6 519 résidant dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), ont été recueillies par Collecte assistée par téléphone et informatique (Cati). 4,2 % des 18-85 ans déclaraient avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois. (SPF, s. d.)
Sur la base de ces données, les migraineux sont quatre fois plus nombreux à avoir très régulièrement des idées suicidaires durant les phases intercritiques, et 10 fois plus nombreux pendant la phase aigüe de la céphalée. Plusieurs facteurs y contribuent. Tout d’abord, les malades font état d’une souffrance inhumaine comme le souligne ce témoignage : « Je voudrais que le monde sache que la migraine peut provoquer un état de souffrance inhumain qui peut donner envie de se suicider pour que la douleur s’arrête. » D’autres soulignent l’impact sur toutes les sphères de la vie : « Je voudrais dire au monde que la migraine est une maladie invisible qui s’impose dans notre vie et qui surgit à tout moment et qui entre souffrance, peur, pleurs et désespoir arrive même à faire disparaitre nos croyances même la plus cruciale, la plus vitale, celle de la vie. »
Une méta-analyse, publiée en 2023, (Wei et al., 2023), fait état d’un risque accru de pensées suicidaires et de passage à l’acte chez les patients migraineux. Les auteurs émettent plusieurs hypothèses pour l’expliquer. Parmi celles-ci, on retrouve de possibles mécanismes neurobiologiques, les comorbidités de la migraine comme l’anxiété ou la dépression et, pour finir, la limitation des activités subies par les patients.
Une étude prospective publiée en 2022 avait pour but de recueillir des statistiques sur les symptômes dépressifs ressentis par le patient durant la crise. Les données étaient recueillies par le biais d’un journal quotidien. 487 malades ont participé à l’enquête. Les scores de symptômes dépressifs étaient plus élevés durant la phase aigüe.
Par ailleurs, les auteurs d’un article publié dans The Journal of Headache and Pain suggère que « Les associations entre la migraine et les affections psychiatriques peuvent être dues à un effet étiologique bidirectionnel, c’est-à-dire que la migraine provoque des affections psychiatriques qui à leur tour aggravent la migraine ; en particulier la migraine avec dépression et le trouble panique. » (Jayalakshmi & Vooturi, 2019)
Ces publications, ainsi que d’autres, démontrent une prévalence statistiquement plus élevée de la dépression et de l’anxiété chez les patients atteints de migraine. Néanmoins, il est indispensable de conduire des recherches plus précises pour en comprendre les causes.
Du point de vue des patients, le plus probable est, comme le souligne les auteurs de la publication Migraine et troubles de l’humeur : prévalence, corrélations cliniques et invalidités, qu’il s’agit d’un mécanisme bidirectionnel, la migraine aggravant la vulnérabilité à la dépression et à l’anxiété et les troubles mentaux aggravant la migraine. (Jayalakshmi & Vooturi, 2019)
Une prise en charge adaptée de la migraine est indispensable pour en limiter l’impact sur la santé mentale. La seule prise en charge des problèmes de santé mentaux parfois en lien avec la migraine est insuffisante.


Impact sur les facultés cognitives
Le dysfonctionnement cognitif a été signalé comme la seconde cause d’invalidité après la douleur chez les patients migraineux. (Fernandes et al., 2024b). Les auteurs d’une méta-analyse publiée en avril 2022 conclut en encourageant la prise en compte des dysfonctionnements cognitifs dans le cadre de la prise en charge de la migraine (Gu et al., 2022). Notre Grande enquête sur la qualité de vie des personnes migraineuses apporte des éléments concrets pour illustrer les plaintes des patients.
Entre les crises, l’impact sur l’attention et sur la mémoire touche près d’un patient sur deux. 29 % des patients déclarent éprouver des difficultés pour interagir avec les autres. L’attention et la mémoire sont essentiels pour tenir une conversation. Au plus fort de la crise, ce sont près de 100 % des patients qui déclarent des problèmes majeurs, ce qui contribue à l’isolement.



Impact de la maladie sur les proches ou les aidants
Les enfants
Afin d’assurer un développement physique, psychique et social harmonieux, l’enfant a besoin de soins élémentaires. En 2018, l’OMS et l’UNICEF ont publié un rapport sur le sujet. On y trouve un état des lieux ainsi que des résolutions. (Soins attentifs pour le développement de la petite enfance, s. d.)
Il couvre tous les secteurs qui prennent en charge la santé, l’éducation et la protection de l’enfance.
Nous avons sélectionné les soins qu’un parent devrait pouvoir assurer :
- Une réaction appropriée et attentionnée aux besoins de l’enfant.
- Une nutrition adéquate.
- La protection des jeunes enfants contre les dangers domestiques et environnementaux.
- Une surveillance de l’état physique et émotionnel des enfants.
Les soins attentifs sont ce dont le cerveau de l’enfant a besoin et dont il dépend pour un développement sain et pour établir la confiance et les relations sociales.
Dans le cas de la migraine, les parents n’arrivent plus à assurer leur rôle dans le soutien du développement émotionnel et cognitif de l’enfant. Parfois, les rôles s’inversent et l’enfant devient aidant. Ils comprennent la situation pour la plupart mais se sentent impuissants par rapport à la douleur de leur parent. Les activités d’aide prennent le pas sur les activités scolaires et peuvent engendrer des difficultés scolaires, les loisirs et entraîner une perte de soutien parental.
Une étude relativement récente fait état du retentissement de la migraine sur les adolescents dans les domaines : fardeau de l’aide quotidienne, impact émotionnel, impact social, communication et compréhension, impact sur l’avenir personnel, réactions des amis, relation parent/enfant et bien-être global (Seng et al., 2019). L’échantillon était restreint, N=40, néanmoins, c’est l’une des rares enquêtes dont les résultats s’appuient sur les dires des premiers concernés, les enfants, alors que la plupart des autres enquêtes reposent sur les déclarations du malade ou éventuellement de son conjoint. Les constats sont sans appel : tous les domaines évalués sont impactés. Cet article revient sur les principales enquêtes menées sur le sujet : Adolescent Perspectives on the Burden of a Parent’s Migraine: Results from the CaMEO Study, (Buse et al., 2018) est la plus connue. Basée sur le même modèle, le questionnement des adolescents, elle explore plusieurs axes : Perte de soutien parental et soins inversés (5 éléments) ; Expérience émotionnelle (13 éléments) ; Interférence avec l’école (4 éléments) ; et Activités et événements manqués (14 éléments). Le taux d’anxiété des adolescents était mesuré. La conclusion est que l’impact de la migraine sur l’entourage, et notamment les enfants, est majeur. Il justifie d’autant plus l’accès à des traitements adaptés.
Les auteurs d’un article publié en 2021 déclarent que la migraine chez la mère pourrait augmenter le risque de troubles psychiatrique chez l’enfant (Wang et al., 2021).
Les résultats de notre enquête confirment ces constats. L’enquête est basée sur les plaintes principales des patients. Nous les avons retenues. Elles n’explorent pas tous les aspects évalués dans les publications scientifiques. Ce n’était que l’une des rubriques du questionnaire.
Néanmoins les réponses des malades montrent que les besoins élémentaires des enfants décrit par l’OMS ne sont pas toujours couverts : une réaction appropriée et attentionnée aux besoins de l’enfant, une nutrition adéquate, la protection des jeunes enfants contre les dangers domestiques et environnementaux, une surveillance de l’état physique et émotionnel des enfants.
Comme nous avons pu le constater dans la rubrique tâches ménagères, près d’un parent n’est pas en état de préparer régulièrement des repas équilibrés. 48 % des parents déclarent rencontrer des difficultés pour surveiller leur enfant et être disponibles pour eux. Au niveau de la socialisation, 32 % déplorent devoir très régulièrement annuler des sorties. Au niveau des apprentissages scolaires, 33 % n’arrivent pas à suivre la scolarité de leurs enfants et à les aider dans leurs devoirs.

Le couple
Les études sur l’impact de la migraine sur la vie de couple sont nombreuses. Dans la majorité des études, seul le malade est interrogé. Nous ne citerons que la plus importante qui date de 2016. Plus de 4 000 familles ont répondu. Généralement, les malades signalaient un impact plus important que leur conjoint. En revanche, près de 44 % des malades déclarent que leur conjoint ne croyait pas ou peu à l’importance de l’impact de la migraine. Les patients expriment aussi des craintes quant à leur avenir financier.
Impact de la migraine sur la famille : point de vue des personnes souffrant de migraines et de leur conjoint/partenaire dans l’étude CaMEO. (Buse et al., 2016)
Les conjoints de nos répondants paient aussi le prix fort. Près de 70 % prennent régulièrement le relais pour assurer les tâches ménagères et les soins aux enfants. Pour 60 % des patients, la sexualité est fortement impactée du fait des migraines.

Difficultés rencontrées dans la vie de couple
« Je voudrais que tout le monde sache que la migraine est une croix à porter H24 7j/7 et que les crises sont, à minima, 72h de calvaire et nous volent notre vie, privent nos enfants, nos conjoints, nos proches, de moments à passer ensemble. Je viens de devoir arrêter ma boutique, j’ai pourtant lutté de toutes mes forces… Mais elle gagne chaque fois. »
Ressources documentaires complètes
9 Surprising Symptoms of a Migraine Attack. (s. d.). American Migraine Foundation. Consulté 22 août 2025, à l’adresse https://americanmigrainefoundation.org/resource-library/9-surprising-migraine-symptoms/
Acephalgic Migraine—An overview | ScienceDirect Topics. (s. d.). Consulté 17 septembre 2024, à l’adresse https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/acephalgic-migraine
Buse, D. C., Powers, S. W., Gelfand, A. A., VanderPluym, J. H., Fanning, K. M., Reed, M. L., Adams, A. M., & Lipton, R. B. (2018). Adolescent Perspectives on the Burden of a Parent’s Migraine : Results from the CaMEO Study. Headache, 58(4), 512‑524. https://doi.org/10.1111/head.13254
Buse, D. C., Scher, A. I., Dodick, D. W., Reed, M. L., Fanning, K. M., Manack Adams, A., & Lipton, R. B. (2016). Impact of Migraine on the Family : Perspectives of People With Migraine and Their Spouse/Domestic Partner in the CaMEO Study. Mayo Clinic Proceedings, S0025-6196(16)00126-9. https://doi.org/10.1016/j.mayocp.2016.02.013
de Vries Lentsch, S., Louter, M., van Oosterhout, W., van Zwet, E., van Noorden, M., & Terwindt, G. (2022). Depressive symptoms during the different phases of a migraine attack : A prospective diary study. Journal of Affective Disorders, 297, 502‑507. https://doi.org/10.1016/j.jad.2021.10.046
Dodick, D. W. (2018). A Phase-by-Phase Review of Migraine Pathophysiology. Headache: The Journal of Head and Face Pain, 58(S1), 4‑16. https://doi.org/10.1111/head.13300
Fernandes, C., Dapkute, A., Watson, E., Kazaishvili, I., Chądzyński, P., Varanda, S., Di Antonio, S., Munday, V., MaassenVanDenBrink, A., Lampl, C., & On behalf of the European Headache Federation School of Advanced Studies (EHF-SAS). (2024a). Migraine and cognitive dysfunction : A narrative review. The Journal of Headache and Pain, 25(1), 221. https://doi.org/10.1186/s10194-024-01923-y
Fernandes, C., Dapkute, A., Watson, E., Kazaishvili, I., Chądzyński, P., Varanda, S., Di Antonio, S., Munday, V., MaassenVanDenBrink, A., Lampl, C., & On behalf of the European Headache Federation School of Advanced Studies (EHF-SAS). (2024b). Migraine and cognitive dysfunction : A narrative review. The Journal of Headache and Pain, 25(1), 221. https://doi.org/10.1186/s10194-024-01923-y
Grangeon, L., Lange, K. S., Waliszewska-Prosół, M., Onan, D., Marschollek, K., Wiels, W., Mikulenka, P., Farham, F., Gollion, C., Ducros, A., & on behalf of the European Headache Federation School of Advanced Studies (EHF-SAS). (2023). Genetics of migraine : Where are we now? The Journal of Headache and Pain, 24(1), 12. https://doi.org/10.1186/s10194-023-01547-8
Gu, L., Wang, Y., & Shu, H. (2022). Association between migraine and cognitive impairment. The Journal of Headache and Pain, 23(1), 88. https://doi.org/10.1186/s10194-022-01462-4
Intersectoral global action plan on epilepsy and other neurological disorders. (s. d.). Consulté 22 août 2025, à l’adresse https://www.who.int/publications/i/item/9789240076624
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Mis en ligne le 18 décembre 2025