J’ai mal

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Un texte de Miren Behaxeteguy, bénévole à la Voix des Migraineux.

J’ai mal. J’ai mal partout. Littéralement partout.

Percevez-vous vous aussi ces douleurs protéiformes ? Mon dieu, elles sont vraiment partout.

Ma nuque, raide comme un piquet, dure comme du béton, impossible à plier en avant comme en arrière sans laisser filtrer un gémissement sourd.

Mon front, encore martelé par un marteau-piqueur, il est moins énergique que sur le chantier précédent de la crise, mais il est là. De manière plus espacée certes, mais répétitive, insistante.

Mes yeux, ooooh cette lumière qui s’insinue telle une lame de rasoir. Même mes lunettes de soleil n’offrent qu’une minuscule barrière face à ce rayon laser. Ça tire, on perçoit nos muscles invisibles derrière nos yeux et nos paupières clignotent plus vite qu’une guirlande de Noël.

Mes oreilles sifflent c’est affreux. J’ai osé une tentative pour ôter mes bouchons et La Vie me paraît tout à coup si excessivement bruyante, exacerbée, j’ai le sentiment que le monde, la ville, le quartier, les gens, se sont concertés pour parler très fort, bien plus fort que « d’habitude ». Ah, tout est normal pour vous ? Pour moi c’est insupportable, presque irrationnel.

Mon dos… un char blindé a roulé dessus, puis un 2ème, forcément pour que j’ai mal ainsi. Des dizaines de personnes l’ont frappé, roué de coups, c’est un paquet compressé. J’ai envie de m’étirer, mais c’est une plainte lancinante qui fuse avant même d’avoir réussi à le faire totalement. Je me déplace si lentement qu’on dirait une centenaire voutée.

Mes jambes et mes bras… ? De la compote… c’est bon la compote hein ? … Mais ça ne tient pas. Je tiens difficilement debout. Je persiste. Je me sens sur le fil, fragile. J’aimerais me « remettre en route », pour vivre à nouveau, reprendre là où j’en étais avant la crise. Je force. Ça me tire dans les jambes, mes épaules restent crispées et fixes, j’ai l’impression d’avoir abusé du sport, d’un effort. Envie de me recroqueviller à nouveau dans mon lit, immobile.

Ma bouche est pâteuse. J’ai faim et pas faim à la fois. Je ne sais pas trop ce dont mon corps a besoin. Il me réclame du gras, du solide, du sucré, à l’excès. Et en même temps il se tord un peu face à ce que je vais lui envoyer. Je ne réfléchis pas. J’avale et j’absorbe ce qui me tombe sous la main. C’en est presque réconfortant.

Mon cerveau ? Brumeux, cotonneux. Je distingue mal mon environnement, je me sens comme myope. Prenez-le comme tel, car je ne verrai rien d’autre pendant un petit moment. Ne me demandez rien. Je ne pense pas. Je ne fais que sentir, ressentir, mon corps, mes douleurs.

« C’est bon, ça y est ? Ta migraine est finie ? On peut se voir alors, rejoins-nous ! ».

Non. Je suis en phase de descente de crise, de remontée vers la vraie vie. J’ai besoin de temps.

C’est mon après-migraine, mon post-drome.

Prenez soin de vous, avant, pendant, et aussi après la migraine.

Mis en ligne le 23 juillet 2023