VYEPTI, un nouveau traitement disponible à l’hôpital 

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Questions au Professeur Anne DUCROS

Le Professeur Anne DUCROS est membre de la Société Française d’Études des Migraines et Céphalées (SFEMC) et est responsable de l’équipe médicale Migraine et Céphalée au CHU de Montpellier. Elle a accepté de répondre à nos questions concernant le nouveau traitement VYEPTI.

La Voix Des Migraineux : Nous recevons depuis quelques temps de nombreuses questions sur un nouveau traitement anti-CGRP pris en charge par l’hôpital. De quel traitement s’agit-il ? 

Pr. DUCROS : Il s’agit du VYEPTI (eptinezumab), un anticorps anti-CGRP indiqué dans le traitement de fond de la migraine chez les patients ayant au moins 8 jours de crise par mois depuis plus de 3 mois et un échec préalable à au moins deux traitements préventifs pris par voie orale. 

LVDM : Pourquoi n’est-il disponible qu’à l’hôpital ?

Pr. DUCROS : Le VYEPTI est un médicament de la réserve hospitalière. Il ne peut être délivré et administré qu’en centre hospitalier, lors d’une courte hospitalisation de jour. Il n’est pas disponible dans les officines de ville, et ne peut pas être administré à domicile. 

LVDM : Qui peut le prescrire ? Dans quel cas peut-il être prescrit ? 

Pr. DUCROS : Le VYEPTI doit obligatoirement être prescrit par un neurologue. Le neurologue va s’assurer lors d’une consultation du diagnostic de migraine sévère, des traitements déjà pris par le patient, des traitements de crise actuels et des traitements de fond. Il va s’assurer que le patient a un traitement de crise pour les migraines et va essayer de l’optimiser. Le neurologue va également, selon les cas, stopper le traitement de fond actuel s’il a été inefficace ou s’il entraîne des effets indésirables. Mais parfois, si le traitement de fond médicamenteux a entraîné une petite amélioration, le patient va le poursuivre et recevoir le VYEPTI en plus. 

Le VYEPTI est prescrit en traitement préventif de la migraine chez les patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques, et sans atteinte cardiovasculaire (patients ayant eu un infarctus du myocarde, AVC, AIT, angor instable ou pontage coronarien). En effet, les patients ayant une maladie cardiovasculaire ont été exclus des essais thérapeutiques sur le VYEPTI.

LVDM : Comment est-il administré et par qui ? 

Pr. DUCROS : Le VYEPTI est administré à l’hôpital, dans un service de neurologie ou un centre antidouleur disposant d’un ou plusieurs neurologues. Le neurologue prescrit la perfusion de VYEPTI 100 mg. La perfusion intraveineuse est réalisée par une infirmière et dure 30 à 45 minutes, le patient est assis dans un fauteuil confortable. Après la perfusion, le patient reste en surveillance 15 minutes pour dépister une allergie sévère, qui est un effet indésirable grave mais très rare du VYEPTI. Il remplit des questionnaires évaluant le retentissement des migraines lors des 4 semaines avant la perfusion (score HIT-6), et son état émotionnel (échelle HAD). Il indique au médecin le nombre de jours mensuel de céphalées/migraines lors des 3 derniers mois, grâce à son agenda. Il évoque également avec le médecin ses autres traitements et peut demander une adaptation de son traitement de crise et de ses éventuels autres traitements préventifs. Puis le patient peut sortir de l’hôpital, muni de sa convocation pour la perfusion suivante, 3 mois plus tard.

LVDM  : Ce mode d’administration présente-t-il des risques ? S’il y en a, comment sont-ils pris en charge ? 

Pr. DUCROS : La perfusion intraveineuse est réalisée grâce à un petit cathéter mis en place par ponction d’une veine de l’avant-bras. Les infirmières réalisent ce geste simple plusieurs fois par jour et savent limiter la douleur due à la piqûre. 

Le VYEPTI n’est pas douloureux et n’entraîne aucun effet indésirable central. En effet, la taille de la molécule eptinezumab ne lui permet pas de pénétrer dans le cerveau. Le VYEPTI n’entraîne pas de somnolence, d’insomnie, de dépression, d’anxiété, de prise ou de perte de poids. 

Le VYEPTI comporte un risque d’allergie ou d’hypersensibilité chez 3 % des patients (notamment, angioedème, urticaire, bouffées congestives, rash et prurit). Les allergies peuvent être sévères chez environ 1 % des patients, d’où la surveillance en hospitalisation pendant la perfusion intraveineuse et puis le quart d’heure suivant le traitement. 

Si un angioedème survient, le service hospitalier prend en charge la personne immédiatement, s’assure de sa bonne oxygénation et surveille ses fonctions vitales (cœur, poumons, etc.) Si un œdème de Quincke allergique avec choc anaphylactique est diagnostiqué, le traitement repose d’abord sur l’injection d’adrénaline. Dans un deuxième temps, des corticoïdes et des antihistaminiques sont éventuellement utilisés pour réduire les symptômes.

Certains allergies plus légères peuvent survenir quelques heures après la sortie de l’hôpital (urticaire, bouffées congestives, rash et prurit). Dans ces cas, le patient doit contacter le service d’hospitalisation, un traitement antihistaminique lui sera prescrit, la réaction sera notée dans le dossier médical et le patient ne devra plus recevoir de VYEPTI. 

Nous travaillons sur la possibilité d’administrer un autre anticorps anti-CGRP en hospitalisation aux patients allergiques au VYEPTI. 

LVDM : Le VYEPTI présente-t-il des contre-indications ? 

Pr. DUCROS : La seule contre-indication est l’hypersensibilité à la molécule eptinezumab qui compose le VYEPTI. 

En France, le VYEPTI n’est pas indiqué chez les patients ayant une atteinte cardiovasculaire (patients ayant eu un infarctus du myocarde, AVC, AIT, angor instable ou pontage coronarien). Mais il ne s’agit pas d’une contre-indication reposant sur les données factuelles. 

Dans d’autres pays européens ainsi qu’aux États-Unis, le VYEPTI est administré aux patients ayant une atteinte cardiovasculaire, en laissant un intervalle de 3 à 6 mois après l’évènement vasculaire en question (par exemple, 6 mois après un infarctus du myocarde ou un AIT). 

LVDM : À quelle fréquence est-il administré ? 

Pr. DUCROS : Le VYEPTI est administré tous les 3 mois.

LVDM : À quels effets indésirables peut-on s’attendre ? 

Pr. DUCROS : Outre les allergies déjà mentionnées, le patient peut ressentir des symptômes évoquant un rhume avec une légère obstruction nasale et un léger mal de gorge. Ces symptômes disparaissent en quelques heures ou jours est sont bénins. 

À plus long terme, les anticorps anti-CGRP peuvent entraîner une constipation à traiter par des solutions naturelles (hydratation optimale, alimentation riche en fibres et activité physique), et si nécessaire, par des médicaments symptomatiques. Les anticorps anti-CGRP peuvent aussi majorer un phénomène de Raynaud (doigts qui deviennent blancs ou bleus avec le froid). 

Les anticorps anti-CGRP sont associés à une légère augmentation de la pression artérielle chez certains patients. La tension artérielle sera donc mesurée lors de chaque hospitalisation. 

Enfin, il a été rapporté des chutes de cheveux sous anticorps anti-CGRP et sous gépants, qui sont des antagonistes oraux du récepteur au CGRP.

LVDM : Ce traitement nécessite-t-il un suivi particulier ? 

Pr. DUCROS : Le traitement nécessite un suivi régulier par un neurologue afin d’évaluer son efficacité sur la migraine. Le VYEPTI sera jugé efficace s’il permet une baisse de la fréquence mensuelle des crises d’au moins 30 % en cas de migraine chronique et d’au moins 50 % en cas de migraine épisodique, au bout de la deuxième perfusion. Il faut donc être patient ! 

De plus, le suivi permet d’adapter les doses des autres traitements prophylactiques, par exemple de réduire progressivement la posologie quotidienne du propranolol, du topiramate ou de l’amitriptyline si les migraines vont mieux

Le suivi permet également de s’assurer de la bonne tolérance du traitement. 

Le suivi est réalisé par le neurologue lors de chaque hospitalisation, tous les 3 mois. Il peut également nécessiter une consultation tous les 6 mois environ avec un autre neurologue référent, si celui-ci n’est pas le même que le neurologue gérant l’hospitalisation de jour. 

LVDM : Combien de temps faut-il attendre avant de ressentir un effet ? 

Pr. DUCROS : Certains patients ressentent une amélioration dès le jour de la perfusion. Chez d’autres personnes les crises se réduisent nettement dès le premier mois. Cependant, il ne faut pas se décourager car chez certains patients, la réponse au traitement est très lente à apparaître et les effets bénéfiques sont ressentis seulement après 3 à 6 mois de traitement.

Enfin, certains patients sont non répondeurs au VYEPTI à 100 mg. Chez ces patients, il faudra pouvoir augmenter à 300 mg tous les 3 mois dans un premier temps, puis envisager un changement du traitement de fond, par la toxine botulinique ou par un autre anticorps ciblant la voie du CGRP.

LVDM : Mon neurologue n’est pas au courant ? Pourquoi ? 

Pr. DUCROS : De nouveaux traitements voient le jour tous les mois pour les maladies neurologiques, ce qui est un bouleversement important de la pratique neurologique depuis 3 à 5 ans. Cette amélioration constante de l’arsenal thérapeutique est une grande chance, mais les neurologues doivent avoir le temps de s’informer et de se former aux nouvelles recommandations thérapeutiques de la migraine sévère. Le neurologue n’est pas forcément au courant des nombreuses nouveautés. Certains neurologues sont spécialisés dans la prise en charge des céphalées et migraines et d’autres ont d’autres domaines d’expertise. De plus, le VYEPTI n’est pas encore administré dans tous les hôpitaux en raison de manque de personnel, de difficultés administratives ou d’absence de neurologue. Ces inégalités territoriales devront être résolues petit à petit.

LVDM : Mon neurologue me l’a déconseillé car il n’y a pas de recul qu’en pensez-vous ?

Pr. DUCROS : Vous avez peut-être une maladie cardiovasculaire ou bien un désir de grossesse proche, rendant le VYEPTI non indiqué pour le moment. Si ce n’est pas le cas, je vous conseille tout simplement de prendre l’avis d’un autre neurologue, spécialiste des céphalées. 

Les anticorps anti-CGRP sont une innovation thérapeutique majeure, au même titre que les triptans dans les années 1990. Les premiers résultats des essais thérapeutiques sur les anticorps anti-CGRP ont été publiés il y a plus de 10 ans. Certains migraineux sont traités depuis 2012, sans effets indésirables graves sauf les allergies. Le recul porte sur les dizaines de milliers de personnes traitées depuis 2018 aux USA, au Canada et en Europe. Les anticorps anti-CGRP sont spécifiques, efficaces, bien tolérés et sûrs. Les patients répondeurs reprennent une vie normale et retrouvent le sourire.

LVDM : Je vais devoir manquer le travail, aurai-je un document de l’hôpital ? 

Pr. DUCROS : Le traitement se déroule à l’hôpital, vous allez recevoir une convocation et ensuite un bon de situation vous sera remis. Le traitement est court, donc une demi-journée suffit. Au CHU de Montpellier, 3 patients sont traités par jour, le premier le matin vers 8-9h, le deuxième vers 11h et le troisième vers 14h.

LVDM : Pourquoi mon généraliste n’a-t-il aucune information ? 

Pr. DUCROS : Le généraliste ne connaît pas l’existence du VYEPTI, sauf s’il s’intéresse à la migraine, car il ne peut pas prescrire ce médicament. Les patients en migraine sévère doivent être suivis par un neurologue formé à la prise en charge des céphalées.

Votre généraliste reçoit un compte-rendu de consultation du neurologue qui pose l’indication du VYEPTI, et les compte-rendus des hospitalisations de jour successives. Vous pouvez lui montrer vos ordonnances. Votre généraliste peut trouver des informations sur la migraine sur le site de la SFEMC (sfemc.fr).

LVDM : Je souffre de plus de 15 jours de migraine par mois et j’ai déjà testé de nombreux médicaments. Pourtant, ce traitement ne m’est pas proposé. Pourquoi ? 

Pr. DUCROS : Il faut avoir testé au moins deux traitements de fond à haut niveau de preuve (propanolol, métoprolol, topiramate, amitriptyline et candésartan). Si vous n’avez pas pris ces traitements, il faut d’abord les essayer avant de pouvoir recevoir le VYEPTI dans le cadre de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Pour la migraine chronique, la toxine botulinique est souvent proposée avant le VYEPTI, mais ce traitement est lui aussi réservé à l’usage hospitalier et nécessite un injecteur formé. 

Vous devez demander à votre neurologue si vous pouvez être éligible au VYEPTI. Pensez à faire la liste complète des traitements de fond déjà utilisés et de leur motif d’arrêt (inefficacité et/ou effets indésirables) lorsque vous allez voir un neurologue pour vos migraines. Tenez un agenda régulièrement et complétez les échelles HIT-6 et HAD, disponibles sur le site de la SFEMC (sfemc.fr), avant la consultation. 

LVDM : Souhaiteriez-vous apporter des informations complémentaires ? 

Pr. DUCROS : Mon objectif est que tous les patients en migraine sévère puissent avoir accès aux traitements d’efficacité démontrée, selon les recommandations de prise en charge européennes et françaises, au plus près de leur résidence ou de leur lieu de travail. La migraine sévère est une vraie maladie qui peut être traitée. C’est une question de santé publique, de respect des patients, d’obligation de moyen et d’équité territoriale. Les patients en migraine sévère doivent avoir accès aux meilleurs traitements selon leurs besoins, partout en France.

PLUS D’INFORMATIONS :

https://www.lavoixdesmigraineux.fr/les-traitements-de-la-migraine/les-traitements-de-fond/

https://www.lavoixdesmigraineux.fr/les-traitements-de-la-migraine/le-remboursement-des-traitements-anti-cgrp-en-france/

https://sfemc.fr/professionnels/recommandations/

Mis en ligne le 25 octobre 2023