Douleur, mémoire et migraine

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Résumé de l’interview de Jack Schim

Migraine World Summit 2020

Pendant une crise de migraine, nous remarquons souvent des problèmes cognitifs en plus de la douleur, ce qui soulève la question suivante : la migraine peut-elle affecter les capacités cognitives comme la concentration et la mémoire ? Si oui, dans quelle mesure ces défaillances peuvent-elles durer dans le temps ? Et les traitements, sont-ils en mesure d’améliorer ou plutôt d’aggraver les choses ? Le docteur Jack Schim, neurologue et spécialiste de la céphalée, va nous aider à répondre à ces questions.

Pour le présenter brièvement, le docteur Jack Schim est neurologue, spécialiste des maux de tête et partenaire du centre de neurologie de la Californie du sudCertifié en neurologie par le conseil d’administration, il détient la certification en médecine des maux de tête de l’United Council of Neurologic Subspecialties. Le Dr Schim a été président de la division des neurosciences à l’hôpital Scripps, Encinitas, et directeur médical du programme d’accident vasculaire cérébral au Tri-City Medical Center.

Le docteur Shim indique qu’il a été observé que des troubles cognitifs peuvent accompagner n’importe quel type de douleurs chroniques comme la fibromyalgie. D’autre part, il y a eu des études d’imagerie qui montrent avec certitude des altérations de certaines zones du cerveau chez les personnes souffrant de douleurs chroniques. 

Inflammation et « brouillard intellectuel » 

Nous savons également que le processus de la migraine dans le cerveau peut être un déclencheur d’inflammation. L’un des aspects du calcitonin gene related peptide (CGRP) impliqué dans la migraine est qu’il peut causer une inflammation locale. Donc, si l’inflammation fait partie de la migraine, il n’est pas très surprenant que cette inflammation puisse altérer le fonctionnement du tronc cérébral, qui est lié à notre mémoire, notre cognition, notre concentration. Cela va poser problème, car si vous ne pouvez pas vous concentrer, vous ne serez pas vif, vous ne serez pas capable de faire plusieurs choses à la fois. Vous aurez, par exemple, du mal à vous souvenir de ce que vous venez de lire, ne serait-ce qu’en lisant un journal.

Les troubles cognitifs se produisent pendant les auras pour les personnes qui en ont. Pour les personnes sans auras, il est quand même possible que ces phénomènes se produisent. Concrètement, la lumière fait mal, vous ne pouvez pas vous concentrer, vous commencez à avoir des vertiges. C’est un réel handicap, notamment si vous êtes au travail et devez travailler par exemple sur un double écran sur une période prolongée.

Problèmes de mémoire / concentration

C’est peut-être lié, mais une patiente indique que lorsqu’elle a une crise de migraine, elle ne peut pas « créer » de nouveaux souvenirs et ne se souvient même pas si elle a regardé un film. Sur cet exemple précis, le docteur Schim indique qu’il est compliqué de prouver que la mémoire est en cause. Ce dont on est sûr, c’est que lors d’une crise de migraine où la lumière fait mal, l’estomac est à l’envers, la tête palpite et le moindre son est douloureux, il est logique qu’il soit difficile de visionner et de se souvenir d’un film. Il s’agit probablement d’une grosse altération de l’état neurologique. Il est très difficile de se concentrer quand on a des vertiges, quand on a des nausées. C’est probablement l’aspect attentionnel parce que si vous ne pouvez pas vous concentrer sur quelque chose, vous ne pouvez pas créer de nouveaux souvenirs.

Pourquoi les problèmes cognitifs augmentent-ils quand la migraine devient chronique ?

Une migraine chronique (au moins 2 par semaine) ne permet jamais au système nerveux de revenir au point d’équilibre, donc les altérations cognitives sont permanentes.

En ce qui concerne la mémoire, pendant une attaque elle-même, l’état neurologique est trop perturbé pour que la mémoire fonctionne normalement.

Le docteur Shim précise que certains de ses patients en crise migraineuse se présentent à lui dans un état semblable à celui de ses patients ayant présenté un AVC sévère. Le cerveau des migraineux chronique ne « redémarre » pas. En effet, les patients présentant des crises peu fréquentes seront moins impactés cognitivement, car leur cerveau aura eu le temps d’effectuer de rééquilibrage et de revenir à la normale. À l’inverse, pour un migraineux chronique avec des crises fréquentes – par exemple deux fois par semaine avec des crises durant (toutes phases comprises) jusqu’à trois jours -, le système nerveux n’a pas le temps de se rééquilibrer, et il faut alors obtenir un traitement pour limiter la fréquence de ces crises. 

Pouvez-vous nous parler des migraines hémiplégiques ?

La vraie migraine hémiplégique familiale est très rare, et elle est génétique. Ce n’est pas réellement une paralysie, mais plutôt une très grande faiblesse, un problème de proprioception. Cela peut durer longtemps et ne doit pas être confondu avec un AVC par le personnel médical. Cela peut se terminer en ataxie pendant des semaines, c’est-à-dire des problèmes de coordination des muscles des bras et des jambes.

… Et les migraines post-traumatiques ?

Les personnes qui ont des lésions traumatiques au cerveau, même si elles ne développent pas de céphalées, ont très généralement des symptômes cognitifs et des vertiges. Mais le plus souvent, dans le cas de céphalées post-traumatiques, ce sont effectivement des migraines.

Cela pose-t-il un problème de prendre des médicaments sur le long terme ?

Il est également connu que les patients migraineux ont des changements structurels dans leur cerveau sans que l’on sache si c’est la cause ou l’effet de la migraine. Les traitements n’aggravent pas les processus, mais il est encore trop tôt pour savoir s’il est possible qu’ils inversent ces changements.

Les médicaments préventifs utilisés, antidépresseurs, antiépileptiques, bêtabloquants peuvent également entraîner de la fatigue, des problèmes de mémoire et de concentration. Mais si le traitement est arrêté, les effets disparaissent, en plus ou moins de temps.

Cela dépend des effets secondaires. Il n’y a rien qui suggère qu’un traitement préventif à long terme puisse causer un dommage sur le cerveau. Il faut privilégier le dialogue avec le patient pour être sûr des bénéfices du traitement et que les effets secondaires soient tels que le patient considère que le médicament mérite malgré tout d’être pris.

Ce que les patients peuvent faire pour eux-mêmes, c’est de mener une vie active physiquement et mentalement, et d’avoir des activités mentales stimulantes. C’est en effet le meilleur moyen d’éviter un déclin cognitif.

Le Dr Shim nous donne l’exemple de l’une de ses patientes de 35 ans, atteinte de migraine chronique, dont la principale plainte concernait sa mémoire. En effet, elle avait oublié d’aller chercher ses enfants à la crèche. Elle a été mise sous un médicament couramment utilisé pour prévenir les migraines. Il a parfois des effets secondaires cognitifs et je l’ai prévenue à ce sujet. Quand elle est revenue, elle a indiqué que ses maux de tête avaient disparu et que sa mémoire était redevenue normale.

Risques au long terme

Pour être rassurant, quand on teste la mémoire des patients qui se plaignent de troubles de mémoire, les résultats sont normaux. Et il n’y a aucune preuve de risque de démence, d’AVC, de déclin cognitif, etc, supplémentaire chez les patients migraineux. Les comorbidités les plus fréquentes étant la dépression et l’anxiété, elles altèrent la perception des choses par le patient ainsi que sa capacité à apprendre à faire des choses.

Source : https://migraineworldsummit.com/talk/pain-memory-and-migraine/

Un article traduit et résumé par Marie-Odile Barthomeuf et Morgane Rivera-Vargas, bénévoles à la Voix des Migraineux.

Mis à jour le 31 mars 2023