Migraine et chronobiologie

main tenant un miniscule réveil mécanique

Un article rédigé  par Sabine DEBREMAEKER, Présidente de la Voix des Migraineux

Respecter des horaires réguliers, pourquoi j’y suis contraint.

Lorsque je travaillais, les pires migraines survenaient le samedi matin. Celles-là se moquaient du triptan, narguaient les anti-inflammatoires. J’ai lu des articles où dans les années 1960/70, les médecins affirmaient : « C’est parce que vous avez des soucis de couple, vous êtes dans le déni ». Pour les élèves de collège qui avaient des migraines le lundi matin : « Il n’aime pas l’école… c’est peut-être une phobie scolaire ».
Fort heureusement, les mentalités ont évolué. Néanmoins, nombreux sont nos abonnés et adhérents qui n’ont appris que récemment l’impact des changements de rythme de sommeil sur les crises.

Pour la plupart d’entre nous, sauter un repas est impossible, ni même le décaler d’une heure. La punition survenant parfois des heures après, on ne fait pas le lien.
Faire la fête jusqu’à une heure du matin : impensable pour beaucoup d’entre nous. Ou alors on négocie avec notre tête : tu me laisses tranquille ce soir et demain je te supporte.

À propos des médicaments de prévention, j’avais déjà expérimenté l’oubli. Dernièrement, je les ai pris 2h30 plus tôt le soir, inversant avec le traitement d’une autre pathologie. Je me suis réveillée le lendemain avec une des pires auras migraineuses depuis des mois. Pourtant, je les avais pris. Oui, mais 2h plus tôt et pendant le repas. Autant vous dire, que j’ai mis des alarmes pour ne rien oublier. Double sécurité, mon mari surveille. Passer une journée à faire l’infirmier, il préfère éviter.

Nous subissons déjà une maladie invalidante qui nous dévore de bons moments. Mais même entre les crises, elle nous complique la vie. Aller au restaurant sans savoir si le service sera lent, chez des amis qui ont l’habitude de se mettre à table à 14h30 quand ils reçoivent, tout devient très compliqué. Il faut faire des choix : profiter d’un bon moment quitte à le payer, ou oublier toute vie sociale.

Essayons de comprendre ce qui se passe
La réponse est très probablement dans une science qui a été découverte assez récemment. Il n’existe pas encore d’études spécifiquement dédiées à la migraine dans ce domaine, du moins à ma connaissance.

LA CHRONOBIOLOGIE

C’est l’étude des rythmes biologiques. Notre corps est composé de nombreux organes avec des fonctions très variées. La respiration, la digestion, la circulation du sang, l’élimination des déchets, les fonctions cognitives, la fréquence cardiaque… pour les plus simples.
Toutes ces fonctions sont soumises à un rythme dit circadien. C’est-à-dire qu’elles fonctionnent sur 24h. Pour simplifier :

Une horloge centrale située dans l’hypothalamus (une partie du cerveau) est le chef d’orchestre du système. La lumière, sans être le seul facteur, influe énormément sur le fonctionnement de l’horloge centrale.
Des horloges périphériques situées dans chaque organe du corps représentent les musiciens.

Prenons l’exemple de la digestion.
Plusieurs organes sont impliqués, l’estomac pour citer le premier. Son horloge interne a un fonctionnement propre qui lui permet de tenir compte du contexte : alimentation très grasse, horaire, stress, rapidité avec laquelle les aliments sont absorbés… l’horloge centrale surveille en grande partie le processus. Cependant, il arrive que le chef l’orchestre soit malade. Et là c’est la cacophonie.
Ce qui complique encore les choses, c’est que les horloges périphériques, les musiciens, communiquent entre elles/eux. Les musiciens distraits par des signaux extérieurs ne jouent plus en cœur.
Source : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/chronobiologie

REVENONS A NOS MOUTONS, pardon MIGRAINES !

Vous l’avez compris, notre musicien-estomac qui travaille la main dans la main avec le foie et le pancréas a ses heures. A l’heure dite, des substances qui permettent une meilleure digestion, une meilleure assimilation des aliments, sont sécrétées. A ce moment-là, notre corps est prêt à recevoir sa ration. Plus tôt, il aura du mal à assimiler, plus tard, les substances inutilisées auront perturbé le fonctionnement du corps et désynchronisé les horloges.
Le cerveau du migraineux étant excessivement chatouilleux, il réagit à toute modification parfois même très minime.
Nous pouvons la nommer, une substance bien connue : l’insuline. Elle est très dépendante de la régularité des repas. Elle sert à reculer la glycémie. Un repas pris en retard et la glycémie chute, le corps manque de carburant.
Autrement dit, la régularité des horaires est cruciale pour un bon fonctionnement du corps. Et notre corps de migraineux est très exigeant.
Source : https://www.sante-sur-le-net.com/chrononutrition-alimentation-horloge-biologique/

Pendant le sommeil, les ondes cérébrales sont modifiées. L’activité électrique de notre cerveau est modifiée. Les substances qui composent le corps se réorganisent. Pendant ce temps, diverses actions se passent dans le corps dont la réparation des cellules, la mémorisation etc…
Là encore, l’heure c’est l’heure. Des troubles du sommeil persistants peuvent avoir d’importantes conséquences sur la santé. Pas besoin de vous dire que le cerveau migraineux se révolte.
Pour en savoir plus, source : https://www.observatoire-sante.fr/quel-est-le-role-du-sommeil/
L’INSERM dans son article sur la chronobiologie souligne l’impact nocif de la lumière bleue sur les phases du sommeil. Ce n’est pas anodin que la plupart des migraineux constatent un accroissement des migraines lorsqu’ils sont présents trop longtemps dans un lieu éclairé ou devant un ordinateur.

Des chercheurs ont constaté notamment dans le traitement du cancer, que la chimiothérapie administrée à certaines heures était plus efficace et mieux tolérée.
Les recherches sont en cours car très complexes. Néanmoins, à terme, il est probable qu’on pourra déterminer l’horaire le plus efficace pour un médicament donné et ainsi diminuer la posologie et les effets secondaires.
Source : https://www.planetesante.ch/Magazine/Actualites-et-recherche/Recherche-et-nouveaux-traitements/La-chronobiologie-pour-administrer-le-bon-medicament-au-bon-moment

Notre extraordinaire cerveau de migraineux n’attend pas les résultats des recherches pour nous rappeler à l’ordre.
Je l’ai fait pour moi. J’ai trouvé des horaires à peu près appropriés.

Moralité, pour vivre en bonne entente avec notre corps respectons son horloge, ses horloges.

Cela dit, profiter d’un bon moment est aussi très important pour notre bien-être. Autorisons-nous des écarts de temps en temps. Ne laissons pas la migraine nous gâcher tous nos bons moments.

Mis en ligne en mai 2021

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