Commotion et migraine : un coup à la tête est-il synonyme de douleurs à vie ?

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Rédigé par Wendy Neri

– Un article du site Migraine Again –

Le pire cauchemar de chaque athlète professionnel ou sportif amateur est de se blesser à la tête. Malheureusement, la douleur causée par un coup à la tête peut persister bien après la blessure sur le terrain ou la chute à vélo, en particulier quand il résulte dans une commotion. Alors, une commotion condamne-t-elle à l’aggravation, voire à l’apparition d’une migraine et de céphalées récurrentes ? Pour faire court : ça dépend. 

QU’EST-CE QU’UNE COMMOTION ?

Une commotion, aussi appelée traumatisme crânien léger (TCL), est souvent provoquée par un coup, un choc ou une secousse à la tête. D’après le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (en anglais : Center for Disease Control and Prevention), un mouvement rapide et soudain de la tête peut amener à des torsions cérébrales ou à ce que le cerveau heurte les parois de la boîte crânienne, provoquant un déséquilibre chimique dans le cerveau et parfois des lésions ou des élongations des cellules cérébrales. 

Bien que la commotion soit considérée comme un traumatisme crânien « léger », étant donné qu’elle n’est généralement pas mortelle, ses répercussions peuvent être lourdes, et longues. Environ 95 % des personnes ayant subi une commotion sont susceptibles de souffrir de céphalées suite au traumatisme. Pour les deux tiers d’entre elles, les symptômes s’apparenteront à ceux de la migraine.

En général, on associe les commotions cérébrales aux personnes pratiquant des sports de contact, en particulier le rugby, ou aux militaires. En réalité, les commotions touchent tout le monde : accident de voiture, chute, secousse ou mouvement violent de la tête et du corps dus à des violences physiques par exemple. Même une simple blessure légère à la tête peut engendrer une commotion.

Lorsqu’elles subissent une commotion, les victimes ne perdent pas forcément connaissance ; c’est l’un des plus grands mythes sur les commotions cérébrales. En effet, moins de 10 % des personnes subissent une commotion cérébrale avec perte de connaissance.

Quels sont les symptômes de la commotion et combien de temps durent-ils ?

Après une commotion, les symptômes les plus courants sont :

Chez la plupart des gens, ces symptômes se manifestent au cours des 7 à 10 premiers jours suivants la blessure et persistent jusqu’à 3 mois. Sans surprise, la céphalée est le symptôme le plus fréquent, mais aussi le plus persistant et invalidant. 

Certaines études démontrent que 18 à 58 % des victimes d’un TCL auraient des céphalées sévères à partir d’un an après la blessure. On appelle cela la céphalée post-traumatique (CPT) ou la céphalée post-traumatique persistante. Elle peut persister un an, voire plus. Elle se manifeste généralement par des symptômes semblables à ceux de la migraine comme :

Cependant, les chercheurs sont toujours incertains sur la classification des CPT en tant que migraine, dans la mesure où l’on ignore encore si ces deux troubles ont la même physiopathologie ou les mêmes cibles thérapeutiques.

À quel point les commotions cérébrales sont-elles fréquentes ?

Le rapport du Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (Center for disease control and prevention) estime que 1,6 à 3,8 millions de commotions liées à la pratique d’un sport ou d’un loisir surviennent aux États-Unis chaque année. Près de 15 % des lycéens américains ont été victimes d’une ou de plusieurs commotions en pratiquant un sport ou un loisir au cours des 12 derniers mois. 

LES COMMOTIONS PROVOQUENT-ELLES UNE MIGRAINE ?

« Provoquer » n’est pas le verbe adéquat. Les causes de la migraine sont génétiques. En revanche, les commotions peuvent déclencher l’apparition soudaine d’une migraine chez les personnes déjà prédisposées génétiquement. Les commotions peuvent aussi aggraver des troubles migraineux déjà existants, dont la migraine ou les céphalées de tension.

Toutes les blessures à la tête n’entraînent pas de commotions et toutes les commotions n’entraînent pas de CPT.

Durant son discours au sommet mondial sur les migraines (Migraine World Summit) de 2021, le docteur Morris Levin, neurologue et directeur du centre de céphalées (Headache Center) de l’université de Californie à San Francisco, a déclaré : « Personne ne peut affirmer avec certitude la cause d’une commotion. Qu’en est-il de cette blessure qui plonge la personne dans un état second pour un certain temps et cause des troubles de la mémoire ? On peut aussi se demander pourquoi cette blessure entraîne, chez certaines personnes, l’apparition de toutes sortes de symptômes post-commotion : une façon de penser différente, des sautes d’humeur, des altérations du rythme de sommeil ou encore des céphalées ? C’est pourquoi j’ai bien peur que nous soyons dans une impasse. »

Facteurs de risque de développement d’une céphalée post-traumatique.

Une étude publiée en 2017 dans la revue médicale Emergency Medicine Journal suggère que les femmes sont plus susceptibles de développer une CPT chronique que les hommes. Selon cette même étude, une céphalée dès l’arrivée aux urgences juste après la blessure est également un facteur à risque.

Par ailleurs, il semblerait que les antécédents du patient vis-à-vis de la migraine ainsi que la fréquence de ses crises aient également de l’importance. Une étude de l’Institut de réadaptation de Toronto (Toronto Rehabilitation Center), présentée au cours du congrès annuel de l’American Headache Society en 2020, démontre que les patients commotionnés, avec de lourds antécédents de migraine avant le traumatisme, présentent bien davantage de symptômes liés à la commotion que les non-migraineux.

La fréquence et l’intensité des crises de migraine avant le traumatisme influencent également l’intensité des CPT. Sur les 302 patients commotionnés étudiés, 42 % de ceux souffrant déjà de crises de migraine plus d’une fois par mois avant la commotion sont atteints de CPT persistantes, contre 16 % chez les patients ayant des crises moins fréquentes.

D’autres comorbidités peuvent aussi contribuer au développement de CPT. Dans une étude parue en 2020, menée sur les membres des forces armées américaines victimes de commotion au cours d’un déploiement, d’autres facteurs contributifs sont mis en évidence : simultanéité de blessures infligées aux combats, réponse au stress intense, apparition récente de céphalées par abus médicamenteux, céphalées chroniques, anxiété, dépression, insomnie et troubles de stress post-traumatiques.

Quel rôle joue la commotion sur les symptômes ou les déclencheurs de la migraine ?

Aucune donnée probante ne permet d’établir la manière dont les commotions cérébrales affectent les symptômes de la migraine. 

Malgré tout, une étude conduite entre 2016 et 2020 sur 2 161 migraineux souligne que 74,3 % des patients commotionnés souffrent de migraine chronique. En outre, ces patients présentent davantage de symptômes comme l’anxiété légère à sévère, les vertiges liés aux céphalées et des difficultés d’élocution durant plus de la moitié de leurs crises. 

Par ailleurs, une proportion bien plus élevée de patients ayant subi une commotion signalaient une plus forte incidence de déclencheurs de migraine tels que la lecture et le manque de sommeil, comparé aux patients n’ayant subi aucune commotion.

TRAITEMENT POUR LES CÉPHALÉES POST-TRAUMATIQUES APRÈS UNE COMMOTION

Bien que les symptômes soient similaires à ceux de la migraine, les différents traitements conventionnels pour la migraine et pour d’autres céphalées primaires ne soulagent pas ces symptômes invalidants. Pour ce qui est des médicaments spécifiques pour les crises de migraine, comme les triptans, ils ne pourraient s’avérer efficaces contre les CPT que dans certains cas.

L’arrivée des médicaments antagonistes du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) en 2018 a certes été une avancée considérable pour la communauté des migraineux, mais peu d’études démontrent son efficacité contre les CPT. 

Une étude à très petite échelle (menée sur 3 patients) révèle que ces médicaments ont un potentiel dans la gestion des CPT. Une autre petite étude de cohorte menée sur 34 athlètes universitaires ayant souffert d’une commotion suggère que la présence de génotypes CGRP contribue à l’intensification des CPT et que la compréhension de ce mécanisme serait l’une des clefs de leur traitement. Dans tous les cas, des études plus poussées sont nécessaires.

Le Dr Levin avance que de nombreux patients atteints de CPT finissent par consulter des spécialistes de céphalées, souvent déconcertés quant au meilleur traitement à adopter. 

« On a du mal à aider les patients [atteints de céphalées suite à une blessure cérébrale], et la raison nous échappe. » confie-t-il. « Vous voyez, s’il s’agit d’une migraine, alors pourquoi les traitements contre celle-ci ne sont pas efficaces ? Peut-être est-ce là une preuve que nous n’avons pas affaire à la migraine comme on la connaît : c’est un type différent de céphalée. »

Une étude parue en 2020 dans The Journal of Headache and Pain (journal des céphalées et de la douleur) avance que ces types de céphalées à la suite d’un TCL mineur partagent les mêmes caractéristiques que la douleur neuropathique, une douleur généralisée et soudaine qui résulte d’une lésion ou d’un dysfonctionnement du système nerveux. C’est pourquoi d’autres modalités de traitement doivent être prises en considération, parallèlement aux différents traitements conventionnels pour les céphalées primaires qui ne sont pas d’origine traumatique.

Quelques rapports de cas indiquent que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et les autres traitements non pharmacologiques pourraient être bénéfiques dans les premiers stades des CPT ou pourraient réduire certaines de leurs comorbidités. De plus amples recherches sont requises pour confirmer ces résultats. La kinésithérapie peut elle aussi s’avérer salutaire, en particulier si le patient a également reçu une blessure à la nuque.

Selon une revue méthodique des traitements aigus et préventifs du CPT parue en 2019, il n’existe malheureusement aucune directive de traitement des CPT basées sur des données probantes. Sombre d’apparence, cette conclusion n’ôte pourtant pas tout espoir au Dr Levin :

« Au cours des dernières années, j’ai essayé toutes sortes de modalités de traitement, donc je ne dis jamais à mes patients que je n’ai plus de cordes à mon arc. » affirme-t-il. « Il y a toujours quelque chose à tenter. Il restera toujours des traitements médicamenteux, des traitements non pharmacologiques comme des dispositifs de stimulation et la liste est longue. Je ne baisse jamais les bras. Là encore, cette pratique est courante dans mon domaine. On essaye encore et encore et, généralement, on finit par trouver, heureusement. »

COMMOTION ET MIGRAINE CHEZ L’ENFANT

Chaque année aux États-Unis, près de 840 000 enfants finissent aux urgences pour une blessure à la tête. Selon une étude de cohorte publiée en 2023 dans le JAMA Network Open, 70 à 90 % de ces blessures entraînent une commotion cérébrale. 

Les chercheurs ont découvert que sur les 928 enfants commotionnés étudiés, ceux ayant ressentis des symptômes associés à la migraine après une commotion présentaient des symptômes plus pénibles et des conditions de vie plus difficiles dans les 3 mois suivants la blessure que les enfants ayant souffert d’autres formes de céphalées ou d’aucune migraine. 

Voilà pourquoi les soignants doivent impérativement identifier les symptômes associés à la migraine le plus tôt possible, afin d’offrir au patient une intervention ciblée de prévention contre la migraine.

COMBIEN DE TEMPS DURE LA CONVALESCENCE APRÈS UNE COMMOTION ?

La durée de la convalescence est variable. D’après l’association américaine des lésions cérébrales (Brain Injury Association of America), les jeunes enfants et les personnes âgées semblent avoir besoin de plus de temps pour se remettre totalement. Il est primordial de veiller à ce que la guérison ne soit pas précipitée et à créer l’environnement le plus propice à cette dernière. C’est-à-dire, dormir suffisamment, rester hydratémanger sainement, faire des pauses, pratiquer à nouveau une activité sportive douce, et éviter la consommation d’alcool. 

La plupart de ces recommandations sont identiques à celles adressées au migraineux, encore une preuve de la similarité entre la migraine et les CPT. 

En outre, gardez à l’esprit que le processus de rétablissement n’est pas linéaire : vous pouvez vous sentir en pleine forme pendant quelques jours, et le jour d’après vous sentir comme si vous vous étiez blessé hier. 

EN CONCLUSION

Malgré la fréquence et la gravité des commotions, cette forme de traumatisme crânien léger est largement incomprise. Des recherches plus poussées sur les liens qui existent entre les commotions, la migraine et les céphalées post-traumatiques ainsi que sur leurs traitements restent nécessaires, en particulier dans la mesure où les CPT sont l’un des effets les plus communs et persistants de la commotion. Les CPT peuvent perdurer pendant plusieurs mois, voire quelques années.

Après n’importe quelle blessure à la tête, les victimes doivent impérativement consulter un médecin afin de recevoir le bon diagnostic et, par la suite, un traitement adapté. De même, le patient doit communiquer l’intégralité de son passé médical aux soignants qui le prennent en charge. En sachant qu’un patient victime de commotion possède des antécédents de céphalées ou de migraine, les soignants seront aptes à établir un plan de traitement plus approprié et obtenir de meilleurs résultats.

Le Dr Levin ajoute qu’il est primordial de « ne pas perdre espoir sur le plan philosophique et psychologique et de continuer à redoubler d’efforts. »

Révision médicale par le docteur Michael Yang.

Traduit de l’anglais par Lucile Caron, étudiante en 2ème année du master TSM (Traduction Spécialisée Multilingue) du département LEA de l’université de Lille, dans le cadre de la validation de sa matière « Traduction bénévole ». Relu par Morgane Rivera Vargas, bénévole à l’association La Voix des Migraineux.

Source :
https://www.migraineagain.com/do-concussions-cause-migraines/

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Mis en ligne le 7 mars 2024